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Steve Ballmer défend Microsoft

mercredi 27 avril 2005, par nassim

Avant de se rendre à Bruxelles pour défendre Microsoft condamné pour abus de monopole, Steve Ballmer, le directeur général du numéro un mondial des logiciels, était hier à Paris.

Il s’y est livré à une opération de charme. Dans l’après-midi, Microsoft et l’Institut national de recherche

Steve BALLMER, CEO de Microsoft.

en informatique et en automatique (Inria) ont annoncé la création d’un laboratoire de recherche à Orsay. Le centre ouvrira début 2006. Il sera spécialisé dans la sécurité des logiciels et les applications de l’informatique aux autres disciplines, comme le génie génétique ou la météorologie. Il comptera entre 30 et 50 chercheurs et coûtera une dizaine de millions d’euros à l’éditeur américain qui refuse de confirmer ce montant. Steve Ballmer avait débuté sa journée au Sénat, devant un parterre de dirigeants d’entreprise. A l’invitation de l’Electronic Business Group, il a livré, en français, sa vision des technologies de l’information et de l’innovation. Il était au diapason de son « ami » Thierry Breton.

Le ministre de l’Economie, ex-président de France Télécom et de Thomson, en a profité pour souligner la mutation des métiers dans l’informatique. Ce secteur emploie aujourd’hui 69 000 personnes dans le conseil et 85 000 dans les logiciels en France. Thierry Breton a rappelé que l’Hexagone était maintenant absent de la production d’ordinateurs. Cette activité comptait « 12000emplois il y a vingt ans ». Les usines ont été déplacées vers la Chine. Le ministre de l’Economie a souligné que c’est dans le sillage de grands groupes que se créent des start-up. Microsoft ne s’est-il pas développé, il y a une vingtaine d’années, grâce aux erreurs d’IBM ? De fait, Steve Ballmer, 49 ans, est devenu l’un des hommes les plus puissants au monde. Le directeur général de Microsoft, riche de 12,1 milliards de dollars, occupe le vingt-deuxième rang du classement réalisé par le magazine Fortune. Il est dépassé par les deux cofondateurs de Microsoft, Paul Allen et, bien sûr, Bill Gates, l’homme le plus riche de la planète.

LE FIGARO ÉCONOMIE. - Pourquoi avez-vous décidé de créer un laboratoire de recherche en France ?

Steve BALLMER. - Notre entreprise doit réaliser les meilleurs partenariats possibles. L’alliance avec l’Inria est bonne pour l’industrie du logiciel, les entreprises françaises et Microsoft.

N’essayez-vous pas aussi d’améliorer votre image, dégradée par de nombreux procès ?

Ce projet n’est certes pas destiné à dégrader notre image ! Evidemment, dans certains pays, nous sommes critiqués. En Chine, il nous est reproché d’attirer les meilleurs cerveaux du pays...

Pourtant, vous multipliez les initiatives. En novembre, à Paris, Bill Gates a annoncé la signature d’un accord avec l’Unesco pour réduire la fracture numérique...

Nous réalisons des efforts constants pour que notre recherche et développement soit plus intelligente, en particulier en France. Nous avons pris cette décision il y a trois ans. Cela nous a conduits à nouer une alliance avec Alcatel pour distribuer la télévision via l’Internet. Dans les jeux vidéo, trois de nos principaux partenaires stratégiques sont français : Infogrames-Atari, Ubisoft et Vivendi Universal Games. Nous avons aussi tissé des relations étroites avec Dassault Systèmes. Et nous irons encore plus loin.

Etes-vous favorable à l’adoption du traité de Constitution européenne ?

Quelle que soit la décision prise par la France et par l’Europe, nous la respecterons. Je ne sais pas si mon opinion est la bonne mais, en tant que responsable d’une entreprise multiculturelle, je suis favorable au traité européen. Ce texte est bon pour le commerce international.

Pourquoi s’agit-il d’un bon traité pour le commerce ?

Une économie européenne forte dopera les échanges internationaux. En tant qu’ancien étudiant en économie, je sais que le régime de la monnaie unique, la suppression des barrières douanières et le droit de la propriété intellectuelle offrent les bases pour le développement d’une Europe forte. La Constitution européenne n’est pas liée directement à ces éléments, mais elle donne le cadre pour une évolution vers une économie plus solide.

Une large part du traité européen est consacrée aux règles de la concurrence. Microsoft est engagé depuis huit ans dans un bras de fer juridique avec Bruxelles. Les règles européennes vous sont-elles favorables ?

Je pense qu’une autorité centrale rend, quoi qu’il arrive, le climat des affaires plus prévisible qu’en cas d’une multiplication des règles, différentes dans chaque pays européen.

Comment pouvez-vous améliorer vos relations avec la Commission européenne, exaspérée par votre attitude de résistance aux sanctions qui vous sont imposées ?

Ils n’aiment pas la puissance de Microsoft. Mais nous essayons vraiment de trouver un compromis avec la Commission européenne. C’est un dossier long et complexe. Nous sommes frustrés par la forme prise par les discussions actuelles. Tôt ou tard, nous arriverons à une solution. Nous travaillons dur avec Bruxelles et nous essayons de coopérer du mieux que nous pouvons. Mais, si cela n’est pas possible, nous sommes prêts à aller jusqu’au bout du procès européen.

Bruxelles examine pourtant une autre plainte qui vous concerne : les terminaux mobiles.

C’est une histoire curieuse. Je ne sais pas quel sera le prolongement de cette enquête. Mais j’en suis persuadé : nous n’avons pas de position dominante dans les équipements portables. Nous avons moins de 1% du marché des logiciels pour les téléphones mobiles.

Pourquoi avoir versé 1,6 milliard de dollars à Sun Microsystems, 750 millions à AOL-Time Warner et 536 millions à Novell qui vous avaient poursuivi pour abus de monopole ?

D’abord, pour rassurer nos clients qui redoutent les procès. Nos consommateurs attendent de nous une attitude de « coopétition », c’est-à-dire à la fois coopérer et combattre les autres éditeurs de logiciels. Par exemple, hier, nous avons annoncé à Copenhague un accord de coopération avec SAP. En même temps, nous sommes l’un de ses concurrents. Ensuite, nous signons des accords pour réduire les risques de procès pour nos actionnaires. Voilà pourquoi nous espérons conclure un accord amiable avec la Commission européenne, comme ce fut le cas avec la justice américaine.

Envisagez-vous un accord avec RealNetworks qui réclame 1 milliard de dollars de dommages et intérêts aux Etats-Unis et qui vous poursuit en Europe ?

Bien sûr, je souhaite aboutir à un accord avec eux. Mais je n’ai rien à dire à ce propos.

Où en est votre procès en Corée du Sud pour abus de monopole ?

Le procès se poursuit. Contrairement aux règles européenne et américaine, il n’est pas possible de trouver un accord amiable.

Mais tous ces procès, ces amendes et ces accords laissent penser que vous avez abusé de votre monopole...

Partout, nous cherchons à trouver des compromis et à réduire les conflits. Microsoft n’agit pas de manière illégale. Notre but est de réaliser des innovations majeures pour changer le monde.

Longhorn, votre prochain système d’exploitation, sera proposé fin 2006. Allez-vous continuer à réduire la compétition en ajoutant de nouvelles fonctions dans ce logiciel, notamment pour augmenter la sécurité ?

Nous ne réduisons pas la compétition. Nous augmentons la valeur de Windows pour nos clients. C’est l’attitude suivie par tous nos concurrents. Si nous arrêtions d’ajouter des fonctions, je serais très mécontent et nos clients aussi. Il y aura sûrement des recouvrements avec des produits de nos concurrents. En même temps, ce programme ouvrira de nouveaux marchés pour des entreprises tierces.

La consolidation entre éditeurs de logiciels va-t-elle se poursuivre ?

Certainement. Nous avons discuté l’an dernier avec SAP. Oracle a repris PeopleSoft. Adobe vient d’acheter MacroMedia. Pour notre part, nous continuerons à acquérir entre dix et vingt petites entreprises par an. Nous achèterons peut-être un éditeur plus important. Pour l’instant, nos plus grosses acquisitions ont été Visio, Navision et GreatPlains, d’un montant d’environ 1 milliard de dollars chacune.

Pensez-vous être en compétition avec France Télécom ?

Non, pas du tout. Et inversement, ce n’est pas l’un de nos concurrents. Nos principaux adversaires sont IBM, Oracle et Sony et les distributeurs de Linux.

Propos recueillis par Marc Cherki, lefigaro.fr