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Rabaïne à Baramidj

Le dernier des « nationalistes »

mercredi 10 mars 2004, par Hassiba

Ali Fawzi Rabaïne n’est plus un inconnu. Cette étiquette qui lui collait comme un autocollant de campagne, le candidat de AHD 54 a voulu s’en débarrasser à l’occasion
de l’émission « Baramidj ». Après sa prestation, certains pensent qu’il aurait dû le rester.

Déjà, à une heure du début du nouveau programme électoral de l’ENTV, Rabaïne avait le masque. Convié à prendre un thé en compagnie de ses « interrogateurs », les quatre directeurs d’organes (La Nouvelle République, El Bilad, Djazaïr News et Le Quotidien d’Oran), le candidat Rabaïne n’a pas desserré les dents. Pourtant, Hamraoui Habib Chawki, le DG de l’ENTV, avait fait les choses de telle manière à ce que le candidat qui « n’est pas passé à la télé depuis 23 ans », dixit lui-même, se sente à l’aise. Autour du thé, il ne voulait même pas dire ce qu’il prévoyait dans son programme sur le volet de la presse nationale : « Après, après », a-t-il dit laconiquement.

Car Rabaïne semble avoir des idées fixes. Celle de croire que la presse le méprise du fait qu’il est le « candidat-surprise » ou « le candidat-énigme ». Frontalement, il accuse les journalistes de se sourcer soit « au ministère de l’Intérieur, soit à la sécurité militaire ». Le passé tortueux et torturé de Rabaïne ressurgit, lui qui a dû ruminer, durant ses années de prison à Lambèse ou Berrouaghia, cette petite revanche sur l’Etat. Mais c’est qu’il brigue la tête de ce système à qui il reproche de l’avoir laminé.

Le discours est ultra-nationaliste. Son premier acte, il le voit sous la forme d’une « chasse aux sorcières ». Rabaïne veut déloger les harkis, leurs enfants et les binationaux des postes du pouvoir. Une sorte de maccarthysme à l’algérienne. 75.000 signatures après, ce tenant de la famille révolutionnaire, breveté par une descendance héroïque de Mme Ouzeguane, et l’héritage contradictoire de son oncle maternel, Ouzeguane, ancien cadre du PCA (Parti communiste algérien). Depuis, Rabaïne a pris la tangente dans une sorte de crypto-nationalisme teinté de religiosité quand il répète « la langue du Coran » sans dire la langue arabe.

Car si Rabaïne a des idées, il n’est pas arrivé, durant deux heures, à faire la synthèse entre le pragmatisme et le populisme. Les deux ne font pas bon ménage. Comment chasser le harki, le traître qui se love dans le sérail ? Rabaïne se veut le dépositaire des moudjahidine et de leurs enfants, veut redistribuer les terres des anciens colons aux « enfants du peuple » et veut que l’esprit de Novembre 1954 prédomine.

Mais il est également à cran contre les « gens d’en haut », qu’il se refuse d’identifier, préférant balancer des lieux communs et promettre aux « gens d’en bas » qu’ils auront, aussi, leur revanche historique.

De ce fait, Rabaïne n’aime pas les « lièvres ». Il se veut le plus crédible des candidats, du moment qu’il ne devait pas être là. C’est la première fois qu’une élection présidentielle en Algérie nous livre un « Beuscancenot », le facteur trotskiste qui a eu près de 2% des voix en France.

Rabaïne, lui, est ophtalmologue mais semble manquer cruellement de vision politique. D’où les échanges vifs avec les journalistes sur le plateau. C’est qu’il est irritant le Rabaïne. De contradictions surtout. A vouloir cultiver un côté sympathique, style « moi je dis ce que le peuple pense », « Baramidj » est devenue une petite discussion animée d’un café maure où les approximations de Rabaïne faisaient sourire.

Car s’il avait d’emblée classé les journalistes, avant de faire un bizarre mea-culpa sur la fin, Rabaïne n’est pas un mauvais bougre. La démocratie a ses avatars et Rabaïne est cet Algérien qui, au lieu de déranger, fera dire que chacun a sa chance. Rabaïne n’est pas une énigme. Ce sera, au pire, une devinette après le 8 avril. "Tahya El Djazaïr"

Mounir B., Le Quotidien d’Oran