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Rabah Kebir veut se placer

mercredi 24 mars 2004, par Hassiba

On le soupçonnait depuis fort longtemps, mais désormais, c’est une certitude : le parti dissous, l’ex-Fis, a décidé de rejoindre avec armes et bagages le Président-candidat Abdelaziz Bouteflika.

Dans un communiqué repris, hier, par l’agence France presse (AFP), le président, du reste contesté par l’instance exécutive de l’ex-Fis à l’étranger, Rabah Kébir, a appelé le “peuple algérien à voter en faveur de Bouteflika”. “Nous appelons les fils du front islamique du salut et le peuple algérien à voter massivement en faveur du président-candidat Abdelaziz Bouteflika et ce au service de l’Algérie”, écrit le dirigeant du parti dissous.

Celui qui a décrété la mort clinique du FIS en juin 2000, aujourd’hui, réfugié en Allemagne, justifie le soutien, on l’aura sans doute deviné, par la politique de réconciliation prônée par l’actuel locataire d’El-Mouradia. “Bien que nous ne soyons pas satisfaits de plusieurs aspects de la politique du président, l’évaluation objective de son mandat et la comparaison de la situation de l’Algérie avant et après son accession (au pouvoir) nous incitent à la conclusion que cette politique était d’une manière générale en faveur de l’Algérie. Nous voyons la nécessité de donner la chance à l’homme de la concorde afin qu’il puisse terminer son projet de promouvoir la concorde civile en réconciliation nationale”, note-t-il encore. Voilà donc qui ne souffre d’aucune équivoque : il faut donner la chance au président-candidat de mener à bon port le projet de réconciliation nationale. En clair : réhabiliter le parti responsable du génocide du peuple algérien.

Pourtant, il y a quelques mois seulement, exactement le 23 décembre dernier, le même dirigeant en compagnie d’autres leaders, en l’occurrence Kamel Guemmazi, Ali Djeddi, Abdelkader Boukhamkham, Omar Abdelkader et Mourad Dhina, que beaucoup de choses divisaient jusque-là, avaient rendu public un brûlot dans lequel ils n’avaient pas ménagé le président-candidat.

“Celui qui a entre les mains les clefs du pouvoir ne doit pas se suffire de promesses, mais d’actions concrètes dans le cadre de la mise en place de la réconciliation nationale. Le FIS est partie prenante de cette démarche à travers l’arrêt des persécutions qui pèsent sur ses hommes, à commencer par le cheïkh Ali Benhadj”, avaient-ils écrit. Les six dirigeants avaient ajouté, par ailleurs, que “les élections avec leurs cortèges de fraude et de fraudeurs, se suivent sans jamais apporter la solution politique à même d’en finir avec la crise”.

Même si l’on ignore le poids réel du dirigeant autant que la nébuleuse dont il se revendique, le soutien auquel il convie ses militants appelle forcément des interrogations d’autant qu’elle s’inscrit en faux avec l’appel au report lancé par l’ex-numéro un de l’ex-Fis.
Abassi Madani avait proposé récemment “un plan de paix”, du reste qui a reçu une fin de non-recevoir de la part des autorités militaires et civiles, et appelé au report des élections.

Alors, y a-t-il, aujourd’hui, un deal entre les deux parties ? En tous cas, la sortie de Rabah Kébir est loin d’être fortuite. Tout laisse croire qu’il ait reçu des garanties assez solides de la part de Bouteflika. Et s’il a pris le soin de faire l’appel, c’est sans doute par respect de “l’interdiction” qui astreint les deux dirigeants Abassi et Benhadj à la réserve. Et l’on imagine mal cette sortie sans l’aval des deux dirigeants. Cependant, ce soutien, n’en déplaise au démenti officiel, vient confirmer les appréhensions de nombreux observateurs.
L’autorisation de sortie accordée à Abassi Madani obéissait au souci de réunir “les frères” dans la perspective de la promotion de la concorde nationale comme promis par Bouteflika.

Votez donc Bouteflika et vous aurez le FIS en retour. Un dossier qu’un certain Ahmed Ouyahia avait qualifié de... “Clos”. Finalement, l’Algérie n’est pas encore sortie de l’auberge.

Karim Kébir, Liberté