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Qu’est-ce qui empêche nos décideurs d’officialiser tamazight ?

samedi 24 avril 2004, par nassim

L’histoire d’un peuple, d’une nation est une chose très importante et surtout décisive quant à l’avenir qui ne prend sa source que dans les plus lointaines racines. Autrement dit, la force d’un pays et de son peuple réside dans sa capacité d’assumer totalement son histoire, son appartenance ethnique et civilisationnelle et ses choix politiques de sa détermination à prendre en charge les problèmes liés au développement de toute nature et à la construction d’une société nouvelle. Cependant, les fondés de pouvoir algériens ont dévié le sens de l’histoire afin que le peuple ne s’identifie pas. Ce qui a entraîné l’ouverture des portes à toutes les falsifications et à toutes les lectures partiales et partielles de toute une identité et une histoire authentique. A titre d’exemple, si on marche dans le sens de l’histoire, on doit admettre que tamazight est la première langue nationale de ce pays nord-africain qui, grâce à son peuple, a réussi à sortir intacte des griffes de tous ses colonisateurs successifs.

Cette langue, qui a fait face à une multitude d’invasions au fil des millénaires, est restée vivante, souple, riche, tolérante, porteuse de modernité, d’humanisme et de démocratie. Malheureusement, les tenants du pouvoir sont à l’origine de toutes les campagnes de dénigrement contre cette chère langue maternelle parlée par une grande partie de la population algérienne. Ces décideurs ont injecté la haine et le racisme au sein des populations arabophones à chaque fois que la question berbère est évoquée et revendiquée par ses régions natales. Et pourtant, ces régions, si elles défendent leur langue, elles défendent leur identité, leur droit d’existence et leur authenticité parce qu’elles sont profondément authentiques. Sans aller plus loin, les années 1980 furent le théâtre d’une forte revendication berbère qui s’est généralisée à toute la Kabylie.

C’est ainsi que la quasi-totalité de la population a été impliquée en organisant des manifestations pour une cause noble et légitime. Ce qui a coûté un prix cher pour cette terre (région) prospère d’une Algérie indépendante. Une revendication qui a pour espace d’expression les établissements scolaires et universitaires et comme canal d’expression la chanson engagée qui décrit les choses telles quelles sont en Algérie ou dans tous les pays (notamment sous régime dictatorial), par ses textes et l’engagement militant de ses auteurs et compositeurs qui ont payé le prix fort, entre autres la censure (à la radio et à la télé), la prison et la torture.

Cette chanson a évidemment généré une prise de conscience identitaire des Kabyles qui étaient longtemps privés d’exprimer et de s’exprimer par leur langue maternelle durant les années de dictature qui ne cesse de continuer à ce jour mais d’une façon différente. Et pourtant, exprimer et s’exprimer par la langue est une valeur très ancienne.
Malgré cette prise de conscience et la multiplication des manifestations pacifiques et civiques de la revendication amazigh, notamment chaque 20 avril, les décideurs successifs n’ont affiché aucune volonté de trancher cette question légitime et bafouée pendant des siècles. Sont-ils (décideurs) dérangés (empêchés, importunés) par le reste de décideurs arabes ou n’ont-ils pas de courage ou bien ne sont-ils pas des vrais décideurs d’une Algérie authentique caractérisée par une diversité culturelle et linguistique ?
Les décideurs des pays sont disponibles pour servir leur pays et leur peuple et de répondre à leurs aspirations quels que soient leur groupe ethnique ou leur appartenance religieuse. Dans notre cas, on dirait que nos décideurs sont des extra-terrestres.

Ils ne tiennent pas compte de la réalité du contexte algérien ou ils ne sont pas fiers de leur algérianité, parce que pour l’être ils (décideurs algériens) doivent s’assumer et prendre en charge cette langue et mettre en place tous les moyens nécessaires pour sa promotion. Et ils savent que des intellectuels capables de moderniser et de développer cette langue ne manquent pas en Algérie ou ailleurs, comme il est de leur (décideurs) devoir de mettre fin aux différentes campagnes de dénigrement menées contre cette chère langue, autrement dit mettre fin aux esprits chagrins de ceux qui se dressent comme ennemis farouches de cette langue (notamment les baâthistes).

Cette langue ne doit pas être victime des positions affichées par la Kabylie vis-à-vis du pouvoir central depuis presque l’indépendance et l’islamisme politique et son engagement (Kabylie) irrévocable pour un projet de société laïque et démocratique, pluraliste au plan linguistique et culturel, mais au contraire elle (langue) doit être une récompense valable et officielle pour compléter une fois pour toutes l’algérianité des Algériens et exclure dans les esprits l’idée d’instabilité ou tout autre faux argument car l’expérience a démontré que plusieurs pays abritent une multitude de groupes ethniques qui jouissent des mêmes droits culturels et qui possèdent jusqu’à plus de deux langues officielles et/ou nationales sans que cela induise une instabilité ; au contraire, c’est une complémentarité et une richesse. Les exemples sont nombreux (la Belgique, l’Inde, la Suisse).

D’ailleurs, la Kabylie n’a aucun problème avec la langue arabe. La preuve, plus de 60% de Kabyles parlent et/ou maîtrisent l’arabe sans complexe, donc il me semble que la logique des choses implique l’existence d’une réciprocité de maîtrise et d’apprentissage de la langue berbère. Alors encore une fois, qu’est-ce qui empêche nos décideurs d’officialiser cette langue ?

Akli B., Aït Lahcène, Illoula ; parru dans Le Matin