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Paul Wolfowitz s’exprime sur la réduction de la pauvreté

jeudi 24 mars 2005, par nassim

Paul Wolfowitz : "Je crois profondément en cette mission de réduire la pauvreté et je suis généralement gentil".

Le monde : Vous donnez beaucoup d’interviews depuis que le président George Bush vous a choisi comme candidat à la présidence de la Banque mondiale. Aucun gouvernement ne semble pourtant vouloir y faire obstacle. Pourquoi cette campagne ?

Paul Wolfowitz : Je n’appellerais pas cela une campagne. Je souhaite que les gens comprennent qui je suis et d’où je viens, dans les pays donateurs comme dans les pays bénéficiaires. J’ai beaucoup d’expérience dans le développement. J’ai vécu dans un pays en développement et je sais ce que c’est que de marcher à travers les affreux bidonvilles de ces mégalopoles ­ c’était Djakarta en l’occurrence. Je sais combien il est difficile d’aider les gens à sortir de la pauvreté, je sais aussi que c’est crucial. Je pense que je serai mieux à même d’accomplir ma mission si les gens savent d’où je viens et se rendent compte que je suis de leur côté, pas leur adversaire.

D’après le Wall Street Journal de mardi 22 mars, le président George Bush souhaite placer dans les institutions internationales des gens qui mettent en oeuvre son programme. L’éditorialiste dit : c’est fini les gentillesses,"no more Mister Nice Guy"...

Je ne l’ai pas lu. Mais cela ne me ressemble pas. J’ai une certaine expérience des institutions publiques ou non commerciales. Si vous voulez les diriger, vous devez travailler avec elles, pas contre elles. La Banque mondiale compte certaines des personnes les plus compétentes du monde dans le domaine du développement. Je crois profondément en cette mission de réduire la pauvreté. Et je suis généralement gentil, en dépit de ce que l’on écrit sur moi.

La Banque mondiale doit-elle accorder des prêts en fonction du degré de démocratie des pays qui les demandent ?

Paul Wolfowitz

Elle devrait utiliser ses ressources en fonction de ce qui est le plus efficace pour promouvoir le développement et réduire la pauvreté. Les pays qui ont des institutions politiques libres ont très fortement tendance à réussir mieux sur le plan économique. Ceux qui réussissent sur le plan économique ont très fortement tendance à développer une société civile puissante et des institutions libres.

Avez-vous lu le rapport de Kofi Annan sur la réforme de l’ONU ? Que pensez vous de cette idée de porter l’aide publique au développement à 0,5 % dès 2009 ?

Je ne l’ai pas lu. Mais en tout état de cause, les gens riches devraient être généreux avec ceux qui le sont moins, à la fois sur le plan moral mais aussi parce qu’au bout du compte c’est dans leur intérêt. L’une des manières d’amener les pays développés, dont le mien, à être plus généreux n’est pas seulement de plaider pour davantage d’aide, mais aussi de démontrer qu’elle est efficace.

Seriez-vous prêts à soutenir l’idée du président français d’une taxe internationale pour financer le développement ?

Je compte être à l’écoute de toutes sortes d’idées, dont celle-là. L’un des points dont je suis particulièrement conscient est que je serai le dirigeant d’une organisation multinationale où les vues de 184 membres ont du poids. Je vais devoir passer pas mal de temps à comprendre la relation entre mes vues personnelles et celles de l’organisation.

Le démocrate James Rubin, dans le New York Times d’aujourd’hui, soutient votre candidature. Mais il estime aussi que vous avez été naïf dans le processus irakien, comme le sont souvent les idéalistes.

Je serais ravi de discuter avec qui le souhaite de ce qui a marché ou non et de la raison pour laquelle les choses sont toujours difficiles en Irak. Mais le coeur du sujet, franchement, c’est que beaucoup de gens ­ dont je ne suis pas ­ ont été naïfs sur la faculté de résistance du régime de Saddam Hussein. Ils ont pensé que ses partisans ne combattraient pas.

Vous dites que vous n’avez pas été naïf ?

Oui. Je ne pense pas avoir jamais été naïf à leur sujet. J’ai toujours identifié les défis auxquels font face les régimes post-dictatoriaux lorsqu’ils ont à traiter avec ce qui subsiste. Nous savons que Saddam Hussein a continué à combattre, y compris jusqu’au moment de sa capture en décembre -2003-, et ses partisans continuent. Mais c’est un tout autre sujet.

Mais vous ne reconnaissez aucune erreur sur l’Irak ?

Ce n’est pas l’endroit pour en discuter. C’est un sujet très vaste, et je veux me concentrer sur ce nouveau et grand défi de la Banque mondiale. Laissez-moi vous dire quand même ceci : je suis tout à fait capable de tirer des leçons à partir des erreurs, dont les miennes. Je crois vraiment que ce que les militaires appellent les"leçons assimilées"sont de la plus grande importance. Il faut pratiquer ces exercices avec honnêteté et dans un esprit d’autocritique, mais c’est un sujet très compliqué.

Le Washington Post a fait état d’une liaison que vous avez avec une employée de la Banque. Y voyez-vous une tentative pour saboter votre nomination ?

Il faut le leur demander. La seule chose qui m’importe est celle-ci : s’il y a le moindre conflit d’intérêt en raison d’une relation personnelle, j’ai l’intention de respecter pleinement le règlement de la Banque pour le résoudre.

Des informations annoncent votre prochaine visite à Bruxelles. Quand y serez-vous ?

Il y a beaucoup d’endroits où on m’a demandé de venir. Ce que je veux vous dire est ceci : si ma nomination est approuvée, l’un des premiers endroits où j’aimerais me rendre pour un grand voyage, c’est l’Afrique.

Ce n’est pas l’Afrique plutôt que Bruxelles ou l’Europe, mais, je le répète, l’Afrique doit être ma préoccupation principale si je deviens président.

Propos recueillis par Corine Lesnes, lemonde.fr