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Panique sur les marchés : Le pétrole dépasse les 40 dollars

samedi 8 mai 2004, par Hassiba

Il est vendredi, 14 h GMT. Le Nymex, marché new-yorkais, vient d’ouvrir. Les premiers échanges pour le pétrole prennent quelques cents sur le prix de la veille. Celui du brut pour livraison en juin prend 68 cents et passe à 40,05 dollars.

Il vient de dépasser le seuil historique de 40 dollars depuis près de 14 ans. Le 11 octobre 1990, il avait atteint à la clôture 40,42 dollars. Le 27 février 2003, soit quelques jours avant l’invasion de l’Irak, le baril avait atteint les 39,99 dollars en séance.
Le seuil des 40 dollars est psychologique et réveille de vieux démons, la crainte d’un choc pétrolier qui hypothéquerait la reprise annoncée dans plusieurs régions du monde. En Occident, la réaction ne s’est pas fait attendre. Et le secrétaire américain au Trésor, M. John Snow, est même intervenu sur la chaîne de télévision spécialisée dans les finances, la CNBC, pour déclarer que les prix élevés de l’énergie n’étaient pas les bienvenus. « Les prix élevés de l’énergie que nous avons vus aujourd’hui sont fâcheux et inutiles », a-t-il indiqué.

La veille déjà, soit jeudi, le directeur de l’Agence internationale de l’énergie, M. Claude Mandil, avait déclaré qu’« un nouveau choc pétrolier est possible. » « Un nouveau choc pétrolier, c’est-à-dire des prix qui grimperaient au cours des prochaines semaines au point d’hypothéquer la reprise économique mondiale, est possible », a souvenu Claude Mandil par référence au choc de 1973. Toutefois, on n’en est pas encore là et l’économie des grands pays consommateurs n’est plus aussi dépendante des prix de l’énergie qu’elle ne l’était dans les années 1970. Mais le risque est grand de voir les prévisions de croissance revues à la baisse avec un effet négatif sur la demande pour les saisons à venir.

Si actuellement l’OPEP est sollicitée pour augmenter son offre, elle n’est plus montrée du doigt comme avant, même si les décisions de réduction prises le 10 février dernier à Alger ont été critiquées aussi bien par la Maison-Blanche que par l’Agence internationale de l’énergie. En réalité, si l’OPEP avait décidé de faire baisser son plafond de production à 23,5 millions de barils/jour à partir du 1er avril, elle a accepté de ne pas appliquer ces décisions de réduction suite à la montée des cours du pétrole qui dépassent maintenant depuis plusieurs mois le seuil des 28 dollars de la fourchette 22-28 dollars par laquelle l’OPEP a décidé de réguler le marché. Le prix du brent s’est installé au-dessus des 30 dollars. Jeudi et sur la lancée du marché new-yorkais, le brent a ouvert à 37 dollars, son plus haut niveau depuis le mois d’octobre 1990 où les marchés avaient atteint des seuils historiques.

Selon plusieurs sources industrielles, l’OPEP dépasse son plafond de production arrêté au 1er avril à 23,5 mb/j d’environ 2,5 mb/j. Actuellement, les pays producteurs de l’OPEP produisent au maximum, mis à part l’Arabie Saoudite qui dispose de capacités additionnelles. La seule ombre au tableau est constituée par l’Indonésie dont les capacités sont en train de décliner et le Venezuela qui n’arrive pas à récupérer complètement des effets de la grève générale de l’hiver 2003. A ce propos, les Américains ont sollicité officiellement aussi bien l’OPEP que l’Arabie Saoudite pour mettre plus de pétrole sur le marché et faire calmer les cours. Toutefois, la mise en branle des capacités additionnelles nécessite des moyens techniques et du temps pour atteindre le marché. Or, la hausse actuelle des cours est due à de nombreux facteurs qui agissent séparément. La goutte qui a fait déborder le vase est sans conteste l’attentat perpétré le 1er mai dernier à Yanbu en Arabie Saoudite contre une usine pétrochimique. L’attentat, qui a fait plusieurs victimes parmi les étrangers employés sur le site, fait craindre le pire dans la mesure où les actes terroristes visent maintenant les installations pétrolières en Arabie Saoudite.

Depuis cet attentat, les cours ont commencé à se rapprocher de la barre des 40 dollars à New York. La situation sécuritaire en Irak est l’autre facteur qui a installé la panique sur les marchés. Or, quand on connaît l’importance des productions saoudienne et irakienne pour l’approvisionnement mondial, la fièvre qui s’est emparée des marchés semble se justifier. D’autres facteurs ont porté les cours comme cette demande explosive en provenance du continent asiatique et notamment de la part de la Chine, demande qui n’a pas été appréciée à sa juste valeur par plusieurs organismes y compris par l’OPEP. Le marché américain subit de plein fouet la crise de l’essence à cause de certaines spécificités environnementales introduites par plusieurs Etats. Du coup, les raffineries américaines n’arrivent pas à répondre à la demande.

Ces facteurs sont encore aggravés par la spéculation qui trouve son terrain de prédilection constitué par les incertitudes. Mais le facteur risque, dû essentiellement à la situation au Moyen-Orient et au syndrome de la rupture des approvisionnements, reste déterminant dans la tension actuelle que connaît le marché.

Par Liès Sahar, El Watan