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Moumène Khalifa, la boîte de Pandore

lundi 29 mars 2004, par Hassiba

Moumène Khalifa a été condamné mercredi par défaut par le tribunal de Sidi M’hamed à 5 ans de prison ferme et à 90 millions de dinars d’amende, a rapporté notre confrère le Jeune Indépendant dans son édition d’avant-hier.

Cette condamnation est liée à l’accusation de fuite de capitaux et de transfert illégal de fonds. Selon le même journal, l’affaire a touché trois autres responsables du groupe. Khalifa sous le coup d’un mandat d’arrêt international, devrait être poursuivi pour d’autres affaires. Par ailleurs, dans son dernier rapport sur la situation de la corruption dans le monde « Corruption Global Report 2004 » (CGR’2004) et à propos de l’Algérie, Transparency International (TI) a rappelé l’affaire Khalifa. « Aucun cas dans les dernières années n’a révélé de manière aussi précise l’échelle de la corruption » en Algérie. Ce cas est révélateur, indique le CGR2004, « du laxisme des autorités et du degré alarmant du manque de pouvoir de l’Etat ».

Rappelant plus ou moins les conditions qui ont vu la naissance du groupe Khalifa et les péripéties de sa chute, le rapport de TI souligne qu’en février 2003, trois des plus hauts responsables du groupe Khalifa ont été arrêtés en possession de deux millions de dollars non déclarés (l’affaire qui a été jugée mercredi). Cette arrestation est intervenue un mois avant de découvrir un trou d’un milliard de dollars dans les comptes du groupe, de l’argent qui est sorti du pays.

Le rapport rappelle également les propos de Ahmed Ouyahia le chef du gouvernement qui a indiqué que la faillite de Khalifa coûtera à l’Etat 1,3 milliard de dollars et qu’il n’est plus question de laisser l’économie du pays « entre les mains de charlatans ».

Le rapport qui souligne la responsabilité de l’Etat dans la mise sur le carreau de 10 000 personnes qui se sont retrouvées sans emploi du jour au lendemain, indique par ailleurs que justice et administration des finances continue leurs enquêtes.

Le rapport note concernant la presse algérienne que « même cette dite presse indépendante n’a publié aucune enquête dès les premières révélations. Cette omission semble liée à la stratégie première de Khalifa par les gratifications octroyées aux médias ». « Khalifa avait distribué des cadeaux à de nombreux éditeurs et journalistes et Khalifa Groupe a été un des plus grands annonceurs de son secteur », précise le CGR’2004.

La fuite de Rafik Abdelmoumène Khalifa est intervenue quelques mois avant la tenue des élections présidentielles. Pour Transparency International, citant des analystes, il n’est dans l’intérêt de personne d’ouvrir la boîte de Pandore Khalifa car elle exploserait à la figure de tous. Le rapport souligne qu’aucune des enquêtes n’a déterminé le degré de facilitation offert à Khalifa par les responsables politiques, économiques et financiers algériens ni n’a analysé les facteurs qui ont fait que « les autorités ont ignoré les signes avant-coureurs de la faillite jusqu’à ce qu’il soit trop tard ».
Amine Esseghir

A décharge

Transparency International a noté les mesures prises par l’Algérie pour lutter contre la corruption. Un décret présidentiel relatif aux marchés publics signé en juillet 2002 sur la publicité des appels d’offres. Un décret présidentiel signé en février 2003 régule le mouvement international des capitaux et contrôle le mouvement des changes. Il définit aussi les sanctions et amendes contre les contrevenants.

Un texte en préparation est destiné à protéger le consommateur et à la régulation du marché .
TI cite aussi la commission interministérielle destinée à lutter contre le blanchiment d’argent. Il est attendu que la commission suggère plus de transparence dans le système bancaire et le nécessité de combattre les fonds d’origines douteuses.

Qui est Transparency International ?

Transparency International (TI) est une ONG se voulant observatoire de la corruption dans le monde. Elle a été créée en 1996 comme organisation satellite de « Le Réarmement moral ». Elle regroupe en une coalition mondiale représentants de la société civile, acteurs du secteur privé et membres de gouvernements. Elle possède 80 sections nationales et travaille aux niveaux national et international.

A l’internationale, TI attire l’attention sur les effets néfastes de la corruption et plaide pour des réformes politiques, travaille vers la mise en application de conventions multilatérales et par la suite surveille leur mise en œuvre par des gouvernements, des organismes et des banques. Elle ne rend pas public les cas individuels laissant ce travail aux journalistes, dont certains sont membres des sections nationales de TI et se focalise plutôt sur la prévention et sur la réforme des systèmes.
L’outil privilégié par TI pour dévoiler les corrompus et corrupteurs : la diffusion de l’information. L’organisation a son siège à Berlin. TI a classé l’Algérie à la 88ème place de son « Corruption Perceptions Index 2003 », le classement de 133 pays en fonction de l’étendue de la corruption dans les rouages économiques et politiques de l’Etat. Dans ce classement les pays les plus touchés par le phénomène de la corruption sont aux dernières places. Les pays scandinaves tiennent les premières places.
« Le Réarmement moral » a été fondée en 1938 à partir d’un mouvement, les « Groupes d’Oxford », qui s’était développés notamment à Oxford et dans d’autres universités britanniques.

En cette période de réarmement militaire, Frank Buchman, le fondateur, avait proposé la vision d’un « monde sans haine, sans peur, sans égoïsme » et a lancé un mouvement de « réarmement moral et spirituel ».

Source : La Nouvelle République