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Marche de recueillement à la mémoire de Hakim Allouache à Fréha

samedi 17 avril 2004, par Hassiba

Répondant à l’appel des aârouch d’Ath Djennad et Ath Ghobri, appuyés par la CADC de Tizi Ouzou, plusieurs centaines de personnes ont pris part à une marche de recueillement organisée hier à Fréha à la mémoire du jeune Hakim Allouache, mort par asphyxie dans l’incendie qui a ciblé sa librairie 48 heures avant le déroulement de l’élection présidentielle du 8 avril dernier.

Les citoyens ayant répondu à cet appel se sont rassemblés au lieudit Ferme-Michelet, 1 km de la ville de Fréha, avant d’entamer leur marche vers le lieu du crime où un rassemblement était prévu.

La procession s’est ébranlée à 10 h 30 avec dans les premiers carrés la mère, la sur, les frères et les proches de la victime mais également des parents de martyrs du Printemps noir et de nombreux délégués du mouvement citoyen. Brandissant des banderoles noires portant des inscriptions telles que « Vérité sur l’assassinat de Hakim Allouache ! », « Jugez les assassins ! », « Gloire à nos martyrs ! », mais aussi le testament laissé par le chahid Didouche Mourad : « Si nous venons à mourir, défendez nos mémoires ! » les manifestants, dans un climat de deuil et de compassion, n’ont cessé de scander le long de l’itinéraire « Assa, azeka, Hakim yella, yella ! » entrecoupés par des youyous des femmes.

Arrivés au niveau de la stèle des martyrs de la guerre de libération située à l’entrée de la ville, les marcheurs ont marqué une halte et observé une minute de silence à leur mémoire avant de faire le tour de la ville en scandant à pleine gorge les mêmes slogans pour ensuite converger vers le lieu où Hakim a péri dans la nuit du
7 avril dernier dans un incendie criminel qui l’avait surpris dans son sommeil, vers 2 h 30 du matin, selon les différents témoignages, pour rappel. Une autre foule s’est déjà rassemblée avant d’être rejointe par les centaines de marcheurs qui ont d’abord observé une minute de silence sous l’hymne Aghuru de Matoub Lounès avant qu’une cérémonie de dépôts de gerbes de fleurs ne soit organisée. Tour à tour, la famille de la victime, des délégations d’Ath Ghobri, Ath Djennad, de la CADC, de son village natal Cheurfa n’Bahloul, se sont recueillies à la mémoire de Hakim, en déposant des gerbes de fleurs devant le magasin incendié, dans une atmosphère intenable.

Ensuite une prise de parole a été improvisée. Ouvrant le bal des interventions, Mohand Iguetoulène, délégué du aârch Ath Djennad, martèlera : « Hakim Allouache est le 126 martyrs du Printemps noir. Le mouvement citoyen ne se taira pas jusqu’à ce que les auteurs et les commanditaires de ce crime abject soient traduits devant les tribunaux et condamnés sévèrement. Hakim est mort tout simplement parce que son frère Rachid dérange le pouvoir maffieux et assassin et ses relais. Hakim est mort parce que son frère Rachid a servi et sert toujours d’une manière honnête et efficace l’aârch Ath Djennad. » Un autre intervenant n’a pas manqué de citer la mère de la victime qui lui a déclaré lors de l’enterrement de son fils : « Guermah Massinissa a ouvert la liste des martyrs du Printemps noir et j’espère que la mort de Hakim soit la dernière. » Belaïd Abrika a déclaré : « Le combat continue. Nous disons aussi pas de pardon pour les auteurs de l’assassinat de Hakim, comme nous l’avons toujours répété à l’endroit des gendarmes ayant tiré sur les 125 martyrs du Printemps noir. » Pour sa part, Guermah Khaled, intervenant au nom des martyrs du Printemps noir, dira : « Le deuil de la mort de nos enfants tombés sous les balles assassines des gendarmes n’est pas consommé, voilà qu’il faut encore allonger la liste des victimes innocentes. Cela nous fait vraiment mal. »

La gorge nouée par tant de marques de compassion et de sympathie, Rachid Allouache, les larmes aux yeux, trouvera quand même les mots nécessaires pour remercier toutes les personnes présentes. « Je n’ai pas perdu un seul frère, mais 126. Nous continuerons le combat pacifiquement pour honorer leur sacrifice », dira-t-il sous les applaudissements des citoyens dont beaucoup n’ont pu retenir leurs larmes. « Ce sont ceux qui ont divisé la Kabylie, ajoute Rachid, qui ont assassiné mon frère. Peut-être ce sera cette mort qui fera la lumière sur l’assassinat de Matoub Lounès », avant d’appeler à la vigilance : « Ces gens ont pour mission de détruire la Kabylie mais nous ne les laisserons pas faire. Le combat doit continuer pour la satisfaction de la plate-forme d’El Kseur. Le jour viendra où la dictature et la hogra seront bannies à jamais de ce pays. »

Enfin, signalons que le rassemblement s’est dispersé dans le calme. Rappelons enfin que deux suspects, arrêtés dans le cadre de cette affaire, ont été appréhendés lundi dernier. Présentés mercredi devant le juge d’instruction près le tribunal d’Azazga, ils sont écroués pour « association de malfaiteurs », « incendie volontaire » et « assassinat prémédité », selon des sources.

Mustapha Naït Dahmane, Le Matin