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« Main Basse » sur Saint-Augustin

mardi 10 mai 2005, par nassim

C’est un fait indéniable que Souk-Ahras, ville natale du grand philosophe et théologien Saint-Augustin, est devenue depuis quelques années un passage obligé pour un nombre croissant de chrétiens du monde entier.

Portrait de Saint-Augustin

Il n’y a qu’à se fier aux chiffres pour confirmer cette thèse. Des chiffres en nette et continuelle progression qui, même s’ils n’atteignent pas encore les records d’affluence régulièrement enregistrés dans les pays voisins (Tunisie, Maroc, Egypte...), témoignent malgré tout d’un début d’intérêt certain pour cette région, qui tient désormais en Saint-Augustin une bénédiction capable de la transfigurer en en faisant un véritable pôle touristique de dimension universelle. Et il ne s’agit pas là d’élucubrations gratuites sans commune mesure avec la réalité. Des statistiques recueillies auprès de la commune de Souk-Ahras prouvent que l’antique Thagast s’éveille, certes lentement, mais sûrement aux vertus du tourisme planétaire, elle qui accueille régulièrement, à un rythme progressif, des flopées d’étrangers pour qui le lieu de naissance de leur idole représente beaucoup. Ainsi, depuis 2002, leur nombre a connu une croissance toujours plus importante. De seulement 36 visiteurs enregistrés il y a deux ans, on est passé à 492 en 2004. Cela sans compter les 300 hôtes venus hors circuit. Le bond quantitatif est remarquable, et il se passe de tout commentaire, même s’il pouvait aisément être trois, voire quatre fois plus fourni, de l’avis même de M. Rabah Hakimi, adjoint au maire de Souk-Ahras, chargé de l’accueil des délégations.

Mais le plus réjouissant dans tout cela, c’est le caractère cosmopolite des visiteurs qui représentent, à une nuance près, tous les continents de la planète. L’éventail s’étend des Français, Italiens, Portugais, Suisses et Espagnols, aux Américains, Japonais, Indiens, Colombiens, qui ont tous foulé le sol souk-ahrassien, épiant les traces de Saint-Augustin. Mais le plus gros du contingent des candidats au pèlerinage, puisque c’est ainsi qu’il faut l’appeler, reste à venir, lorsqu’on apprend qu’ils sont plus de 50 millions de visiteurs à s’être inscrits sur les tablettes d’agences de voyages pour effectuer le déplacement de Souk-Ahras. Nous tenons cette information du vice-maire qui confirme : « Effectivement, le flux des touristes décuplera sans doute dans les années à venir de manière phénoménale.

Mais la chienlit n’est pas là ! Elle se situe plutôt au niveau des structures d’accueil mises à la disposition de ces futures marées humaines, lesquelles « brillent » par une indigence affligeante dans cette ville, où il n’existe pas le moindre hôtel classé ni restaurant digne de ce nom. Il faut savoir aussi que nos hôtes sont dans leur majorité - pour les avoir côtoyés - d’un grand niveau intellectuel. Certains d’entre eux sont des chercheurs confirmés. Aussi, il serait opportun de doter la ville de moyens à la mesure de l’aura dont elle jouit auprès de millions de chrétiens qui commencent à peine à la découvrir et à s’en éprendre ».

Cela rejoint la déclaration du président du CRI, le Dr B.Loudjani, qui s’est offusqué lors du récent séjour de 27 Français originaires de Souk-Ahras, du fait que le passage des touristes à Souk-Ahras ne génère aucun dividende à la ville, sachant que le circuit de voyage est unilatéralement pris en charge par des tours operators tunisiens qui font main basse sur ce créneau en concédant aux Algériens des miettes.

« Saint-Augustin est né à Souk-Ahras, mais son charisme profite à nos voisins sur le plan économique. Ce n’est pas normal. Nous avons constaté de nos propres yeux que les centaines de visiteurs embarqués dans des autocars tunisiens prennent le soin de ramener dans leurs bagages jusqu’à l’eau minérale et les sandwichs. Mais que font pendant ce temps nos responsables, qui voient ainsi filer sous leur nez, sans la moindre réaction, des opportunités de renflouer les caisses de la mairie et, par ricochet, celles du pays par l’apport d’entrées en devises de nature à irriguer l’économie locale ? A titre d’illustration, il faut savoir, ajoute le Dr Loudjani, que le groupe de Français a dépensé pas moins de 150 millions de centimes en à peine six jours de séjour ».

Quand bien même il ne partagerait pas tout à fait l’idée développée par le chef du CRI, M. Hakimi reconnaît que les délégations de pèlerins constituent un réel gisement qu’il faudra bien un jour se résoudre à explorer de manière intelligente et efficace.

Dans cette perspective, l’APC a sollicité, il y a peu, les pouvoirs centraux aux fins d’accorder aux gestionnaires de la commune les fonds nécessaires pour l’aménagement d’une salle de prière et de recueillement pour les fidèles, d’une salle d’archives qui servirait de caverne aux souvenirs en rapport avec la vie et l’oeuvre d’Augustin le Saint, de sanitaires et de bien d’autres structures pour attirer les touristes et leur garantir le maximum de confort, et surtout sur le plan sécuritaire.

La bataille contre les réticences manifestées, il y a quelques années en arrière, est bel et bien gagnée aujourd’hui. Reste à présent à engager de front une rude empoignade de mise en conformité, voire carrément de mise en place de structures d’accueil en phase au moins avec ce qui se fait chez nos voisins. Cela nous éviterait à l’avenir de voir qu’un produit algérien, bien de chez nous, né sur cette terre, va profiter à la Tunisie, en précipitant son propre pays dans la grisaille de l’oubli et de la désaffection. Que cela soit au moins dit.

Par Gatouchi Aek, quotidien-oran.com