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M. Richard Erdman :“L’Algérie est un partenaire-clef dans la région”

mardi 25 janvier 2005, par Hassiba

L’importance qu’accordent désormais les États-Unis à notre pays est mise en relief par M. Erdman, représentant de l’Administration Bush à Alger, dans ses réponses à nos questions sur les relations algéro-américaines.

Liberté : Excellence, pouvez-vous nous faire le point sur les relations algéro-américaines et à quel stade sont-elles arrivées ?
M. Richard Erdman : Nos relations bilatérales sont plus que jamais meilleures et continuent à se développer dans tous les domaines. Comme l’a écrit le président Bush récemment au président Bouteflika, les États-Unis apprécient à leur juste valeur leurs relations avec l’Algérie et le Président se félicite d’avance d’œuvrer étroitement avec l’Algérie pendant son deuxième mandat. La nature dynamique de nos relations est claire. Nous avons des visites non-stop de délégations officielles. Les États-Unis sont devenus en 2004 le premier partenaire commercial de l’Algérie, selon les chiffres du commerce pour les onze premiers mois de l’année. Sur le plan de l’investissement, on connaît le rôle important des États-Unis dans le secteur des hydrocarbures. D’ailleurs, après une période d’études, les firmes américaines commencent à s’intéresser aux investissements en dehors du secteur des hydrocarbures. À cet égard, en lançant ce mois le holding - Algeria Industrial Development Group -, la firme américaine Northrop Grumman a fait un pas important qui facilitera la privatisation, le transfert de technologie et la création de postes d’emploi de haute qualité dans divers secteurs (l’électronique, les services médicaux, l’informatique et la communication).

Quelle est votre appréciation sur les réformes engagées par l’Algérie sur les plans politique, institutionnel, économique et social ?
L’Algérie a opté pour la réforme et la modernisation de son économie afin de répondre aux aspirations politiques et économiques du peuple algérien. En 2004, vous avez rassemblé les conditions pour passer de la phase de discussion et d’analyse à la phase d’action et de mise en place des réformes essentielles. Nous sommes convaincus qu’il n’y aura jamais de meilleure conjoncture pour effectuer ces réformes et réaliser une meilleure vie pour tous les Algériens. Nous - les États-Unis - nous encourageons et soutenons vos efforts parce que nous sommes convaincus que, particulièrement dans le sillage des évènements du 11 septembre, une Algérie et un Maghreb démocratique et prospère contribueront à la paix, à la stabilité et à la lutte contre le terrorisme.

Pendant longtemps, l’Algérie n’a pas bénéficié de la coopéation militaire avec les États-Unis et l’OTAN. Était-ce essentiellement à cause du climat sécuritaire qui y prévalait dans la région ?
Notre coopération avec l’Algérie se développe aussi dans le domaine militaire, principalement à travers des visites et échanges, des programmes de formation, des conférences régionales de chefs d’état-major et du dialogue OTAN-Méditerranée. Cette coopération est basée sur des intérêts communs. Cela comprend la lutte contre le terrorisme, le renforcement de la coopération entre les États du Sahel et la professionnalisation de vos forces militaires. Cette coopération reflète une vision partagée pour l’avenir qui n’existait pas auparavant, ainsi que le progrès qu’a enregistré l’Algérie en surmontant des problèmes pendant les années difficiles.

Dans le cadre du partenariat que comptent instaurer les États-Unis avec les pays du Maghreb arabe, quels seront le rôle et la place de l’Algérie ?
L’Algérie est un partenaire-clef dans la région. C’est le dixième plus grand pays du monde et le deuxième plus grand en Afrique. C’est un pays qui occupe une position stratégique. Le seul pays maghrébin qui partage des frontières avec tous les autres pays maghrébins. C’est un partenaire important dans la lutte contre le terrorisme. C’est un pays doté de réserves importantes de pétrole et de gaz, et un partenaire commercial de plus en plus important. C’est un pays qui joue un rôle actif dans les différents forums internationaux, par exemple le Conseil de sécurité, la Ligue arabe, l’Union africaine et la Conférence islamique.

En parlant toujours du Maghreb, comment Washington voit-il le règlement du conflit du Sahara occidental qui bloque le processus d’unification des pays de cet ensemble ?
Les États-Unis croient qu’une plus grande coopération régionale servira les intérêts de tous les pays maghrébins. Quant au conflit du Sahara occidental, nous soutenons une résolution politique de cette question dans le cadre de l’ONU et le droit à l’autodétermination, et ce, selon la ligne du plan Baker. À cet égard, nous croyons que de bonnes relations entre le Maroc et l’Algérie contribueront à un climat régional plus propice à un règlement de ce conflit.

La Libye a radicalement modifié sa position vis-à-vis des États-Unis. À quoi cela est-il dû selon votre appréciation ?
La Libye a modifié sa position parce qu’elle s’est rendu compte qu’elle ne pourrait mettre fin aux sanctions internationales et à son isolement diplomatique sans se conformer aux résolutions du Conseil de sécurité, sans accepter sa responsabilité pour l’acte terroriste contre la Pan-Am et sans abandonner son programme d’armes de destruction massive. Comme prévu et promis suite à ces actions positives de la part de la Libye, nous avons levé notre embargo économique, en même temps nous restons préoccupés par le fait que la Libye n’a pas abandonné entièrement son implication en matière de terrorisme.

Nous arrivons au projet du Grand Moyen-Orient qui englobe les pays du Maghreb ; nous avons l’impression que l’Administration Bush a quelque peu modéré sa vision, en mettant en avant maintenant beaucoup plus le volet économique que celui politique, qui faisait peur à nombre de pays concernés. Qu’en est-il au juste ?
Le projet du Grand Moyen-Orient est un mécanisme qui rassemble le G8 et les gouvernements et membres de la société civile de la région. C’est un mécanisme pour encourager le dialogue et pour répondre aux désirs et aux espoirs du Moyen-Orient pour la réforme. C’est un projet du G8, pas seulement un projet des États-Unis. Il ne s’agit pas d’imposer des réformes de l’extérieur, mais de soutenir et d’encourager les réformes venant de l’intérieur de la région. Chaque pays a ses propres spécificités et sa propre voie à suivre, mais les volets économique et politique sont intimement liés, et c’est une illusion de croire qu’on puisse répondre aux aspirations du peuple de la région sans faire de progrès sur le volet politique ainsi que sur le volet économique. À la cérémonie d’investiture cette semaine, le président Bush a été très clair sur l’importance de la réforme, la propagation de liberté et les droits de l’Homme. Il a souligné que l’établissement de bonnes relations avec notre pays dépendra du traitement "décent" de ce gouvernement envers ses propres citoyens.

Ce projet ne passe-t-il pas par le règlement du conflit israélo-palestinien et par un retour à la normale en Irak, deux points sensibles pour les peuples et les gouvernements arabes et musulmans ?
La réforme est une valeur et un but en elle-même. Le besoin urgent de réformer au Moyen-Orient n’était pas à l’origine une idée américaine. Pas du tout ! C’était la conclusion d’experts arabes qui ont écrit, sous l’égide des Nations unies, le rapport en matière de développement arabe. Bien sûr, la réforme ne peut se substituer au progrès vers un règlement du conflit israélo-palestinien ou vers un retour à la normale en Irak. Mais comme l’a dit le secrétaire d’État Powell, le problème d’analphabétisme dans la région n’a rien à voir avec le règlement du conflit israélo-palestinien. Quelle est la logique de créer des liens arbitraires entre ces questions quand le résultat n’est que le report des solutions aux urgents problèmes sociaux ?

Quant au conflit israélo-palestinien, nous gardons toujours la vision du président Bush d’une solution basée sur deux États, Israël et la Palestine, vivant côte à côte, en paix et en sécurité. Nous gardons également notre engagement à la feuille de route comme le meilleur moyen de concrétiser cette vision. Maintenant suite aux élections palestiniennes, il y a une opportunité historique pour faire avancer le processus de paix, et nous allons faire tout notre possible pour aider les Palestiniens et les Israéliens à se rapprocher et retourner à la feuille de route. Chaque partie a des responsabilités. Pour les Palestiniens, des actions sur le plan sécuritaire sont cruciales, ainsi que la continuation des réformes essentielles à la création d’un véritable État. Pour les Israéliens, des mesures plus audacieuses qui faciliteront le mouvement du peuple et des biens et amélioreront la vie quotidienne des Palestiniens sont absolument essentielles. Bien sûr, il y aura des difficultés et des défis à surmonter, il faut que nous tous encouragions les parties à saisir ce moment crucial, à reconnaître que la violence n’apporte que plus de souffrance et de retard, et à négocier une solution juste, complète et durable.
Quant à l’Irak, les élections du 30 janvier représentent un pas important et historique vers le but d’un Irak sécurisé, prospère, démocratique et libre. Nous ne minimisons ni les défis ni la gravité de la situation sécuritaire, où certains groupes utilisent la violence et l’intimidation pour faire dérailler les élections et faire revenir une dictature brutale. Nous savons que le scrutin en Irak, comme des scrutins ailleurs dans des situations difficiles, ne sera ni parfait ni par lui-même capable de mettre fin à la violence. Mais ces élections représentent une opportunité pour tous les Irakiens - sunnites, chiites, kurdes et autres - de commencer à prendre leur futur entre leurs mains et de choisir leur propre gouvernement, presque pour la première fois dans l’histoire de l’Irak.
Les sondages et l’enregistrement d’électeurs suggèrent que le peuple irakien veut voter et choisir son propre gouvernement. C’est vrai que les insurgés et terroristes ciblent la communauté sunnite afin de faire baisser sa participation au scrutin. Par ailleurs, et positivement, tous les groupes irakiens comprennent l’importance d’une large participation, y compris celle des sunnites aux institutions de l’État. Le nouveau conseil de la présidence, le poste de Premier ministre, le nouveau gouvernement établi par l’Assemblée, et à la commission chargée de la préparation de la nouvelle Constitution. Il est également important de reconnaître que ces élections ne seront que le début d’un processus de transition politique en Irak. À part les élections du 30 janvier, il y aura en 2005 d’autres opportunités permettant au peuple irakien de voter, de s’exprimer et de participer. Par exemple, il y aura le référendum de cet automne pour la nouvelle Constitution ainsi que les élections en décembre pour une Assemblée permutante.

Il est important d’être clair concernant le choix devant le peuple irakien, quelle que soit l’attitude envers la décision de la coalition d’initier l’action militaire contre Saddam Hussein. Dans la vie d’une nation, il y a des situations historiques dans lesquelles les citoyens ordinaires, face à un mal, sont obligés de décider de faire de la résistance malgré les risques. Nous l’avons fait en affrontant le mal de l’esclavage et de la ségrégation. Vous avez affronté un tel moment de décision pendant la guerre de libération et pendant la décennie noire. Et plus récemment, les Afghans et les Ukrainiens ont montré leur courage en faisant écouter leur voix démocratique face à l’intimidation. Maintenant, c’est au tour des Irakiens de façonner leur futur en votant malgré les risques et en rejetant les forces de fascisme, de violence et de désordre. Cela demande du courage, et les Irakiens qui iront aux urnes méritent notre admiration et notre soutien. C’est notre devoir de bien comprendre leur épreuve et de les aider à trouver le courage nécessaire de prévaloir.

L’OTAN n’est-elle pas appelée à jouer un rôle important pour la stabilité du bassin méditerranéen ?
Sans aucun doute, l’OTAN joue un rôle important dans la stabilité du bassin méditerranéen.

Les États-Unis n’ont jamais cessé de faire allusion à ce qu’ils appellent “l’axe du mal”. Y a-t-il lieu de penser que des “guerres préventives” seront menées contre les pays de cet axe ?
Concernant l’axe du mal, c’est vrai que le président Bush a utilisé cette phrase dans un discours en 2002. Mais entre-temps, la situation a beaucoup changé et en fait, cette expression a été beaucoup plus reprise par la presse que par l’Administration elle-même. Quant au concept de guerre préventive, en ce qui concerne les programmes nucléaires de la Corée du Nord, nous poursuivons une stratégie diplomatique et multilatérale avec nos alliés et partenaires. Indéniablement, notre préférence est de résoudre des problèmes dans un cadre multilatéral, en collaborant avec nos amis, nos alliés et nos partenaires. Comme l’a dit devant le Sénat le Dr Condoleezza Rice, la nouvelle secrétaire d’État désignée, la politique étrangère du président Bush pendant son second mandat va privilégier la diplomatie.

Un dernier mot...
Je vous remercie pour cet interview et je saisis cette opportunité pour saluer toute la coopération et réitérer mon engagement pour la liberté de la presse en tant que pilier fondamental de la démocratie.

Par Mourad AïT-OUFELLA / K. ABDELKAMEL , Liberté