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Les téléphones portables se lancent à la poursuite de l’iPod d’Apple

dimanche 1er mai 2005, par nassim

Coup d’arrêt à la flambée de l’action Apple à Wall Street : le titre, qui avait quadruplé depuis le 1er janvier 2004, pour atteindre son pic historique, à plus de 45 dollars (35 euros), le 16 février 2005, a chuté de 21 % depuis.

Pourtant, les résultats de

L’Ipod d’Apple concurrencé par les portables.

la firme restent excellents. Entre janvier et mars 2005, le chiffre d’affaires a bondi de 70 % et le profit net de 530 % par rapport à la même période de 2004. Une croissance due à l’explosion des ventes d’iPod (qui représentent un tiers du chiffre d’affaires), le baladeur numérique auquel l’entreprise de Steve Jobs doit son spectaculaire retour en grâce. Mais les investisseurs craignent les initiatives des poids lourds de l’informatique, de l’électronique grand public et, surtout, des télécommunications, décidés à venir attaquer le marché des baladeurs de musique numérique, en plein boom : 37 millions d’appareils musicaux ont été vendus en 2004 et 132 millions sont prévus en 2009 selon le cabinet iSuppli. Jusqu’ici, pourtant, personne n’a réussi à égratigner la suprématie d’Apple dans ce secteur : l’iPod est un véritable phénomène de mode d’autant qu’Apple a eu l’idée de l’associer à l’iTunes Store, premier site de téléchargement payant de chansons regroupant les catalogues de toutes les maisons de disques (1 million de titres que l’utilisateur paie 0,99 euro le morceau).

En trouvant un moyen simple d’acheter des morceaux sur le Net et de transporter sa musique avec soi, le groupe a créé une révolution dans la consommation musicale... et un modèle économique rentable. Aujourd’hui, Apple détiendrait près de 75 % du marché des baladeurs numériques haut de gamme (à disque dur). Mais ces derniers ne représentent qu’un tiers du total des ventes mondiales de lecteurs de musique portables. Ce sont, avant tout, les petits baladeurs à faible capacité (mémoire flash) et bas prix qui s’arrachent. Pour asseoir sa domination, Apple n’a pas hésité à proposer un produit meilleur marché en lançant l’iPod shuffle.

Apple a ainsi écrasé les petits spécialistes des baladeurs numériques, pourtant pionniers, come le français Archos, les singapouriens Creative et iRiver et l’américain Rio. Quant aux mastodontes de l’électronique de loisirs, ils sont à la traîne, surclassés sur leur territoire par un constructeur informatique. L’humiliation est cuisante pour le japonais Sony, inventeur de l’audio portable avec le walkman. Le coréen Samsung, champion des nouveaux gadgets technologiques, s’est également fait prendre de vitesse.

Mais ces grands concurrents n’ont pas dit leur dernier mot. Sony a copié la stratégie d’Apple en lançant, il y a un an, un site de vente de musique, Connect, puis une gamme complète de baladeurs à disque dur et mémoire flash. De son côté, Samsung, qui a pour objectif de devenir leader sur le segment de masse des baladeurs à mémoire flash, prévoit d’en lancer 9 modèles ce semestre face au seul shuffle d’Apple.

Pour autant, la lutte est rude devant le succès planétaire de l’iPod. Paradoxalement, la faille viendra peut-être de la stratégie même d’Apple. En effet, Apple, à la fois fabricant de matériel et de logiciels, reste fidèle à sa logique propriétaire, qui l’a pourtant évincée du marché informatique il y a vingt ans. Ainsi, le groupe a développé son propre système de lecture audio, qu’il ne partage pas : l’iPod ne lit donc, hors le format universel MP3 (utilisé sur les sites d’échange de musique gratuits, comme Kazaa et eMule), que les morceaux téléchargés sur le site iTunes. Réciproquement, les titres de iTunes ne peuvent être écoutés sur un autre baladeur que l’iPod.

CONTRE LE RESTE DU MONDE

Au contraire, Microsoft, pour s’imposer comme un standard, a vendu des licences de son format de lecture à tous les fabricants de baladeurs et opérateurs de sites de téléchargement musical payant.

C’est donc Apple contre le reste du monde, alors que des rivaux plus dangereux encore fourbissent leurs armes : les fabricants de téléphones mobiles. Toujours à la recherche de nouvelles fonctions et usages pour relancer leurs ventes, ils ont repéré l’énorme potentiel du marché de la musique et travaillent tous à transformer leurs combinés en juke-box ambulants.

Ainsi, mercredi 27 avril, Nokia a annoncé la sortie, pour la fin 2005, du N91, l’un des tout premiers portables équipé d’un disque dur capable d’emmagasiner 3 000 chansons, et doté d’écouteurs et d’une télécommande audio. Sony Ericsson sortira dès juillet, sous la marque Walkman, le W800, doté d’une mémoire flash mais avec l’ergonomie d’un baladeur. Alcatel proposera, lui, un téléphone doté de mini-enceintes intégrées. Samsung et LG planchent aussi sur des "musiphones" .

La menace est réelle pour Apple. Si le marché des assistants électroniques, type Palm, stagne depuis trois ans, c’est à cause des fabricants de téléphones qui intègrent des fonctions d’agenda, de carnet d’adresse et de courriel dans ce qu’ils appellent des "smartphones" . De même, la croissance des ventes d’appareils photo numériques ralentit depuis un an, face à l’invasion des "photophones" . Face aux 15,5 millions d’iPod en circulation, un quart de la population mondiale possède un mobile soit 1,5 milliard.

L’ambition est grande. Grâce à leurs nouveaux réseaux à haut débit de troisième génération (3G) les opérateurs mobiles veulent proposer à leurs abonnés des services de téléchargement de musique sans fil. Le britannique Vodafone, le coréen SK Telecom et les américains Verizon et Cingular cherchent à conclure des accords en ce sens avec les maisons de disques. Là, l’avantage par rapport au iPod serait décisif. Plus besoin d’un baladeur associé à un ordinateur avec une connexion Internet. On pourrait acheter une chanson n’importe où, n’importe quand, à partir d’un seul téléphone. Apple a bien compris l’enjeu : pour une des premières fois de son histoire, il a accepté de s’associer, avec Motorola, pour mettre au point un "iPod phone" .

Par Gaëlle Macke, lemonde.fr