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Le football, un circuit informel et des enjeux énormes

samedi 30 avril 2005, par Stanislas

A chaque intersaison (été), à l’orée de la nouvelle foire annuelle (le mercato), tenue en hiver, rebondit, en Algérie, le sempiternel problème des milliards du football circulant sous la table et échappant au fisc.

La justice par le « foot » est-elle possible ? Pour l’heure, on sait seulement, de report en report, qu’elle risque fort de rattraper la discipline la plus populaire du pays si, tant est que les pouvoirs publics passent vraiment à l’action en débusquant les fortunes mal acquises du sport avec des caisses noires faisant des ravages.

Champions League africaine, coupe de la CAF et Ligue arabe des champions. En interclubs, précisera-t-on. Sur les six formations algériennes en lice (ce qui se fait de mieux depuis plus d’une décennie en Algérie, nous avons nommé l’USM Alger et la JS Kabylie, ont été sorties avant les phases de poules, le MC Oran a fait un petit tour en CAF et vient de rendre les armes devant un adversaire modeste, le MC Alger, qui a néanmoins fait rêver ses supporters jusqu’aux portes des demi-finales, le NA Hussein Dey et l’ES Sétif, sont invités à revoir leur copie et doivent encore patienter pour se construire un destin arabe). C’est la déconfiture totale. Idem en éliminatoires jumelées Coupe du monde- CAN 2006. En inter-nations où le football algérien vit de tristes moments et boit le calice jusqu’à la lie.

A mi-chemin d’un parcours chaotique, catastrophique, le football algérien ne se fait plus d’illusions pour le premier objectif en ratant lamentablement le train menant en Allemagne et doit remiser à des délais indéterminés ses prétentions de réintégrer le gotha mondial qu’il a quitté vingt ans plus tôt (Mexico 86), une édition après y avoir fait une apparition historique en accrochant à son palmarès un des monstres sacrés de l’époque. Une victoire à valeur d’unique trophée à ajouter à la seule victoire majeure décrochée en 1990 à l’occasion de la version ... algérienne de la CAN, alors que la génération Madjer arrivait en fin de cycle elle concluait dans le succès une belle épopée.

Descente aux enfers

Un rappel qui renvoie à la messe biennale du football africain. Qui hante surtout les esprits d’un public algérien comprenant de plus en plus mal la descente aux enfers de la vitrine, ou supposée telle, d’un football algérien révélant ses immenses tares au grand jour, incapable de suivre les bouleversements que connaît la scène mondiale et n’ayant plus d’autres ambitions que de limiter les dégâts dans des compétitions -la dernière en date, la CAN 2004 disputée l’année dernière en Tunisie nous renseigne, malgré des promesses et des attentes finalement déçues, assez bien sur ce chapitre- où le jeu à onze national se présentait en super-favori.

Pis, les « Verts », à la dérive et en dépit du récent petit et ô combien difficile succès (0-1) à Oran acquis aux dépens d’un onze rwandais sorti de nulle part, sont en train de voir passer sous leur nez celui (le train toujours) menant au Caire après la déculottée (défaite 0-3 à Annaba) portant la griffe gabonaise. Un naufrage et des leçons. Jamais tenues. Et forcément une machine à remonter le temps rarement réjouissante. Retour en arrière. Quatre ans ou un cycle olympique auparavant.

Fiscalisation des clubs

A cette veille du départ du « Club Algérie » pour Bamako où il prendra part à l’événement footballistique biennal du continent (CAN 2002). A ces propos porteurs d’espoir du ministre de la Jeunesse et des Sports de l’époque, M. Berchiche, qui faisait à l’occasion une sortie médiatique fracassante dont le moins que l’on pouvait dire est qu’elle risquait, (on parle ici d’actes concrets qu’on ne verra jamais arriver), de déranger la quiétude légendaire de cette faune de dirigeants qu’on pensait à l’abri de tout contrôle.

Quand, et pour rappel, le premier responsable de la tutelle, loin des tumultes des stades, choisissait la rencontre organisée par la confédération des cadres de la finance dans les salons douillets d’un grand hôtel de la capitale, pour remettre sur le tapis la question de la fiscalisation des clubs et des revenus sportifs en disant l’urgence qu’il y avait (qu’il y a encore) à « aller au plus vite vers la normalisation de l’activité financière des clubs et de soumettre les sportifs à l’obligation fiscale ». Par cette initiative, le MJS semblait, (beaucoup avaient émis le souhait que cela ne reste pas au plan des vœux pieux), avoir reconnu l’urgence de mettre le holà à un mode de gestion tant décrié autant par son caractère opaque que par les interrogations qu’il suppose avec les sommes colossales (des centaines de milliards de centimes) circulant annuellement dans un circuit sans règles et marqué par une absence quasi totale de contrôle. Lui emboîtant le pas et abondant dans le même sens, le représentant de la direction générale des impôts signalera, dans une de ses déclarations, qu’« en vertu du nouveau code des procédures fiscales, tous les revenus ou mouvements d’argent sont censés subir un contrôle dans l’immédiat ou a posteriori ». Qu’il fallait comprendre que c’en était enfin fini de « tout cet argent volatil qui circule et change de mains sans contrôle et sans comptabilité, au mépris de la loi. De cette offense aux citoyens, au bon sens et à la justice ? ».

Entre révélations fracassantes et polémiques au sujet de certaines affaires de détournement, de malversations et de trafics en tout genre, de présidents de clubs sous les verrous, le simple supporter a rarement trouvé son compte, sinon un spectacle affligeant offert par des joueurs surpayés dont les revenus annuels étonnent par leur ampleur et qui devaient (devraient) « se préparer à s’acquitter de leur dû au fisc au même titre que le commun des citoyens ». Peu d’investissements, voire rien du tout, mais que de profits ! N’importe qui vous dira que la fonction de président de club, de football surtout, paye très bien. Rapporte gros. En tous points de vue. Pas seulement sur le plan financier, lorsqu’on se permet de passer en revue les divers avantages que l’on peut en tirer.

Suspicions

En s’ouvrant grandement et sans coup férir, les portes les plus hermétiques menant à des responsabilités pas uniquement d’ordre sportif, les candidats à une « fonction » pourtant diabolisée par les intéressés mêmes, semblent avoir assimilé au mieux les failles d’un système permettant l’émergence de « compétences » dont la carte de visite et le parcours n’ont souvent rien à voir avec le métier noble de manager, dans tous les sens du terme. Combien sont-ils les dirigeants sportifs, pourtant incontournables dans un paysage où l’ambiance confine souvent à la déprime et à la suspicion généralisée, à mériter un poste ouvert à tous les dérapages et auquel on accède bien plus par des procédés antisportifs (lire antiréglementaires) et par la grâce d’un curriculum vitae tenant plus du copinage que de l’expérience rarement avérée d’ailleurs de la majorité des « gestionnaires » bien plus préoccupés -comme dans tous les domaines de la vie socio-politique du pays- par leur avenir immédiat, des groupes de pression qu’ils représentent, de leurs sponsors et des intérêts occultes qui donnent au secteur une impulsion contraire aux attentes du grand public, déroute une opinion publique habituée depuis longtemps à voir le « sport » déborder de son cadre originel et atterrir dans les rubriques faits divers. Neuf fois sur dix, on entre au football par effraction. Sans jamais rien prouver sinon cette incroyable capacité, cet art consommé de l’opportunisme qu’on voudrait voir redevenir la qualité essentielle des attaquants sur nos terrains, notamment les centres-avants qui, et d’année en année, se révèlent incapables de mériter leur qualificatif de chasseurs de buts à voir la rareté dont souffre justement le football algérien. Finie la récréation ?

Par Abdelaziz Azizi, latribune-online.com