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Le Maroc noté BB par S&P

samedi 14 mai 2005, par nassim

LES fragilités économiques mises à nu avec la bataille sur les marchés mondiaux ont dissuadé Standard & Poor’s (S&P) de relever d’un cran la notation du risque souverain du Maroc. Celui-ci maintient donc sa position dans l’échelle de notation de S&P à BB alors que la plupart des pays de la région Moyen-Orient et Afrique du Nord (MENA) améliorent leur note.

L’agence américaine, qui vient de diffuser son premier rapport sur le rating du risque souverain, reconduit donc la note BB qu’elle avait attribuée au Maroc en mars 1998. Dans la région, l’Arabie saoudite et Bahreïn sont toujours en peloton de tête avec « A ». Quant à la Tunisie, déjà mieux lotie que le Maroc depuis avril 1997 avec un « BBB- », elle décroche un « BBB ». Idem pour la Jordanie qui monte d’un cran de B+ à BB. Pourtant, selon une analyse de la direction de la Politique économique générale, JP Morgan avait tablé en novembre 2004 sur un relèvement d’un cran de la note délivrée par S&P de BB à BB+, faisant référence à l’avis favorable émis par l’agence américaine sur la capacité de résistance des équilibres macroéconomiques face aux aléas de la conjoncture mondiale. En fait, l’ambition réelle du Maroc est de décrocher comme son voisin tunisien, l’investment grade (BBB-). A ce stade, le risque pays est jugé acceptable pour les investisseurs étrangers. De plus, il permet de lever des fonds sur le marché international au moindre coût.

En fait, l’hémorragie du commerce extérieur observée au cours des 3 derniers mois prouve que la capacité réelle de résistance du pays n’est pas suffisante pour faire front à la concurrence asiatique sur les marchés traditionnels notamment et surmonter les effets de la flambée des cours des hydrocarbures.

Pourtant, à en croire S&P, le Maroc jouit d’atouts appréciables. Il affiche des indicateurs extérieurs plutôt satisfaisants et est engagé dans une politique de libéralisation et de réformes structurelles de son économie.

Cependant, son déficit budgétaire est jugé élevé tout comme le poids de sa dette. De plus, la base de son économie est encore étroite car tributaire des prévisions de la croissance. Pour 2004, le déficit public, compte tenu des concours du Fonds Hassan II, approche les 4,5% du PIB contre 4,3% en 2003 et 3,2% en 2002. Malgré la restriction des dépenses et l’amélioration de la collecte fiscale, le déficit a dérapé du fait de l’augmentation continue des dépenses courantes, rappelle S&P. L’agence de rating estime pourtant que si le déficit budgétaire approchait de 0, cela suffirait à réduire de façon notable le poids de la dette. En attendant, celle-ci caracole à près de 71% du PIB en 2004 contre 82,6% en 2000. Un niveau jugé trop élevé par rapport à la catégorie des pays notés « BB ».
L’autre contre-performance a trait à la faiblesse du revenu per capita, qui est estimé à 1.926 dollars en 2005, soit l’un des plus bas de la catégorie.

Sans oublier la faiblesse de la croissance des secteurs non agricoles (+3,3% par an) et la vulnérabilité de la croissance globale par rapport aux aléas climatiques. « Celle-ci ne suffit ni à réduire le taux de chômage élevé du pays, ni à faire face à l’accroissement rapide des besoins ». Sur le fond, les réformes engagées sont louables mais non suffisantes pour stimuler l’investissement domestique et attirer les flux étrangers. Il faut aller plus loin dans l’amélioration du climat des affaires, accélérer la libéralisation et renforcer le secteur financier.

Le Maroc jouit d’un atout de taille dans la région : les attentats du 16 mai n’ont pas remis en question sa stabilité politique. Ils ne l’ont pas non plus empêché de poursuivre le train de réformes engagées. Mais le rythme gagne à être accéléré. Bon point aussi pour les réserves extérieures qui se maintiennent à un niveau appréciable du fait de la baisse du stock de la dette extérieure, la bonne tenue des investissements directs étrangers et l’excédent du compte courant.

Jusqu’en 2004, l’envolée du prix et du volume des importations de pétrole n’a pas réussi à inverser la tendance. En 2005, la persistance de ces tensions sur le marché mondial risque de compromettre les acquis du pays.

Par Mouna KABLY, leconomiste.com