Le Caïman de Nanni Moretti

Le réalisateur italien n’avait pas tourné depuis "La chambre du fils", qui lui avait valu la Palme d’or en 2001, et s’était impliqué dans le militantisme politique de son pays en 2002 et 2003. Cinéaste engagé, il prend en ligne de mire Silvio Berlusconi mais "Le Caïman" n’est pas seulement un film politique, c’est aussi "un film d’amour et un hommage au cinéma", explique-t-il.

L’histoire est celle d’un producteur en faillite, Bruno Bonomo (Silvio Orlando), qui tente de revenir sur le devant de la scène. Luttant jadis contre "la dictature du cinéma d’auteur", il a fait carrière dans des séries B aux titres évocateurs ("Mocassins assassins", "La policière en talons aiguilles", "Maciste contre Freud", "Cataractes") et dont sa femme (Margherita Buy) était la vedette principale. Mais tout cela est bien loin. Il est en instance de divorce et ne supporte pas l’idée de la séparation, et passe beaucoup de temps avec ses deux fils de sept et neuf ans, à qui il raconte des histoires le soir ou qu’il va voir jouer au foot.

Du côté professionnel, ça ne marche pas plus fort, son nouveau projet, "Le retour de Christophe Colomb", ayant du mal à voir le jour. Mais une jeune réalisatrice inconnue (Jasmine Trinca) lui remet un jour un scénario, "Le Caïman", qu’il lit en diagonale un soir de désoeuvrement. Il s’agit de l’histoire d’un industriel qui gravit les échelons de la vie économique et politique en trois décennies : Bonomo y voit un bon film d’action et propose le projet à la télévision italienne. Après lecture complète du scénario, il va s’apercevoir qu’il s’agit en fait de l’histoire de Berlusconi...

Après le refus de la télévision de financer le film, il refuse de laisser tomber le projet : il décide de soutenir la jeune réalisatrice et se met à la recherche d’un producteur et d’un acteur. L’une des plus belles scènes du film est celle où cet homme désorienté rentre au domicile familial et, encore fou d’amour et de chagrin, lacère à coups de ciseaux un pull bleu clair de sa femme. "Le Caïman" est certes un film politique, mais pas seulement : l’histoire personnelle du héros prend autant de place que ses difficultés professionnelles à tourner un film sur Berlusconi dans l’Italie d’aujourd’hui.

Synthèse de Céline
D’après AP