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La vitamine E pourrait accélérer des cancers

vendredi 8 avril 2005, par nassim

Les comprimés à forte dose de vitamine E que l’on achète en pharmacie pourraient accélérer des cancers latents, ont découvert des chercheurs du Centre hospitalier universitaire de Québec (CHUQ).

L’étude, publiée ce mercredi dans la revue scientifique américaine Journal of the National Cancer Institute, a été menée par la Dre Isabelle Bairati, médecin de santé publique, chercheure au CHUQ et professeure à la faculté de médecine de l’Université Laval.

« Nous savons que les personnes qui consomment beaucoup de fruits et légumes ont moins de cancer. Cet effet bénéfique pourrait être dû aux vitamines antioxydantes. Parmi ces vitamines, la vitamine E et le bêta-carotène semblaient les plus prometteuses », explique Isabelle Bairati, lors d’une conférence de presse, mardi, au centre de recherche du CHUQ.

Vitamine E et bêta-carotène ont donc été donnés à la moitié du groupe de 540 patients atteints d’un cancer ORL au stade précoce. L’autre moitié a reçu un placebo. Tous ces patients étaient traités en radiothérapie et avaient un risque élevé de développer un nouveau cancer.

Durant les trois années de prise quotidienne de 400 unités internationales (U.I.) de vitamine E, les chercheurs ont enregistré plus de nouveaux cancers dans le groupe qui prenait le supplément (2 patients sur 10) que dans le groupe à qui on avait donné un placebo (1 patient sur 10). Par la suite, la situation s’est inversée : il y a eu plus de nouveaux cancers dans le groupe placebo. A la longue (l’étude a duré huit ans), les chercheurs ont constaté un nombre équivalent de seconds cancers dans les deux groupes.

Les chercheurs retiennent le fait que les seconds cancers latents ont été accélérés avec la prise de vitamine E. Ces résultats sont tout à fait contraires aux effets escomptés.

« Dans les années 90, la vitamine E était parmi les plus prometteuses. Les études sortent maintenant. On croyait que les vitamines ne font pas de mal. Ce n’est pas vrai », constate Mme Bairati.

Une analyse qui cumule les résultats de toutes les études sur la vitamine E, publiée dans l’édition de mars du Annal of International Medicine, conclut que la vitamine E prise sur une base quotidienne (400 U.I.) augmente même la mortalité des patients « et devrait être évitée ».

« Nous croyions tellement aux vertus de la vitamine E que nous en avons pris nous-mêmes 400 unités internationales pendant un certain temps, pour vérifier les effets secondaires et la faisabilité de l’étude. »

La chercheuse ne ferait plus cela aujourd’hui. « Mieux vaut manger cinq portions de fruits et légumes par jour. C’est plus sage de recommander de ne pas prendre de vitamine E en capsule. Une gélule ne remplace pas une bonne alimentation », constate la Dre Bairati. L’apport en vitamine E dans une bonne alimentation est 18 fois moins élevé que les 400 U.I. en capsule.

Faudrait-il bannir les vitamines E des pharmacies (elles contiennent entre 400 et 1200 U.I. par capsule) ?

« Nous avons appelé Santé Canada lorsque les résultats de notre étude sont sortis. Personne n’a donné de suite », répond Mme Bairati.

« Bien qu’il soit difficile de généraliser les résultats de l’étude à l’ensemble de la population, il apparaît raisonnable de recommander la prudence au sujet de la consommation de doses élevées de vitamine E sous forme de suppléments », conclut Mme Bairati.

Au début de la recherche, en 1994, et jusqu’en 1996, les patients de l’étude de la Dre Bairati ont aussi pris du bêta-carotène, une autre vitamine antioxydante, que l’on croyait utile pour réprimer le cancer.

Coup de théâtre en 1996. Une autre étude démontrait alors un nombre plus élevé de cancers du poumon dans le groupe de fumeurs à qui l’on donnait du bêta-carotène en dose massive, que dans le groupe témoin.

« C’était un effet adverse. Notre comité d’éthique s’est réuni. Nous avons décidé de retirer le bêta-carotène de notre étude », raconte la Dre Bairati.

L’équipe de chercheurs de la Dre Bairati poursuit son analyse pour voir s’il y a un lien entre la prise de vitamine E (en comprimés de 400 U.I.), la récidive de cancer et les décès. Cette analyse fera l’objet d’un autre article.

Source : cyberpresse.ca