Accueil > ECONOMIE > La contrebande prend de l’ampleur aux frontières

La contrebande prend de l’ampleur aux frontières

samedi 25 septembre 2004, par Hassiba

Le directeur général des douanes, M. Sid-Ali Lebib, invité mercredi par le club Excellence Management, dans le cadre des rencontres économiques qu’il organise, a mis en valeur la prolifération de fausses déclarations à l’importation en Algérie.

Au cours de l’année 2003, Sid-Ali Lebib révèle le chiffre de 1 600 fausses déclarations de valeur enregistrées dans le sens de la minoration. Pour le premier semestre 2004, ce type de fausses déclarations s’est élevé à 1 145.

Concernant les déclarations en espèces, la douane enregistre 1 148 fausses déclarations constatées en 2003. Au premier semestre 2004, il a été enregistré 594 fausses déclarations d’espèces. “L’ouverture du commerce extérieur, à la faveur de la démonopolisation, d’un nombre de plus en plus important d’intervenants manquant manifestement de professionnalisme et de maîtrise dans les opérations de négoce international, n’a pas tardé à donner naissance à des comportements et des tendances négatives pour les intérêts de l’économie algérienne”, explique le directeur général des Douanes nationales.

Plus de 36 000 opérateurs, en majorité d’occasionnels et revendeurs en l’état, ont été recensés. L’une de ces tendances reste incontestablement la question de la valeur en douane.

Les phénomènes constatés revêtent plusieurs formes. Il s’agit tout d’abord, nous dit-on, des pratiques de minorations tendant à soustraire du paiement des droits et taxes. Ces pratiques ont un double effet : frustrer le Trésor public d’une partie de ses entrées et porter préjudice aux producteurs locaux dans le où sens elles constituent des pratiques de concurrence déloyale.

Transfert illicite de capitaux
La douane est également, précise-t-on, confrontée à des phénomènes de transferts illicites de capitaux prenant la forme de majoration de la valeur, dans un contexte favorisé, faut-il le souligner, par la subsistance d’un double taux de change (officiel et parallèle). Au volet de la contrebande, la douane, confrontée au problème de la valeur, a mis en place, il y a une semaine, deux systèmes de gestion de risques et de fourchette de valeur inaugurés officiellement, hier, au Centre national de l’informatique et des statistiques (Cnis).

Le système, en fait, permet d’orienter l’inspecteur vérificateur dans les contrôles relatifs à la valeur déclarée à partir de certains indicateurs référentiels liés à la qualité de l’opérateur, à la marchandise, au pays d’origine...

En fonction du risque, la marchandise est orientée vers un circuit vert (ouvrant droit à l’enlèvement immédiat des marchandises dès le paiement de droits et taxes dus sans visite physique) ; un circuit orange (permettant l’enlèvement de la marchandise après contrôle des seules formalités administratives particulières ainsi qu’au paiement des droits et taxes dus) et, enfin, un circuit rouge, soumettant l’enlèvement de la marchandise à la visite partielle ou intégrale des marchandises. Au volet de la contrebande, M. Lebib affirme qu’en 2003, 500 000 cartouches de cigarettes, 14 300 comprimés psychotropes, 1 912 kg de kif, 500 têtes de bétail, 160kg de métaux précieux et 114 078 litres de carburants ont été saisis.
Ces saisies ne sont, en fait, que la face apparente du trafic. Lebib souligne que son institution dispose de 12 directions régionales, 43 directions de wilaya et seulement de 76 bureaux de douane, sur un territoire d’un pays qui comprend 1 280 km de façade maritime et de plus de 7 500 km de frontières. D’où la difficulté pour la douane de juguler ce phénomène.

L’utilisation des moyens aériens, annoncée par le directeur général des douanes, pourrait peut être atténuer le phénomène. Celui-ci affirme qu’en 2003, plus de 263 000 conteneurs ont été constatés. 187 000 seulement ont été déclarés. 80 000 ne l’ont pas été, “pour diverses raisons”, précise-t-on.

Concernant le courant de fraude se rapportant aux opérations d’exportation à destination de la Russie dans le cadre du remboursement de la dette, la revue de la douane indique que les dossiers finalisés ont donné lieu à des dépôts de plaintes et à des amendes et pénalités encourues s’élevant à 1,718 milliard de DA, indépendamment des opérations “ex-Works” dont le montant s’élève à 3,44 milliards. M. Lebib a souligné que “les recettes au niveau des douanes ont évolué de 161 milliards de DA en 2001 à 261 milliards de DA en 2003”, soit une hausse de 62%. Le taux moyen pondéré de droit de douane par le nombre de lignes tarifaires avoisine les 18,5%, nous dit-on.
Néanmoins, le taux de prélèvement réel est nettement inférieur en raison de l’effet combiné de la structure des importations et des avantages fiscaux.

Vers une baisse des recettes douanières
Les importations faiblement taxées ou exemptées font en sorte de tirer vers le bas le taux moyen théorique qui n’est que de 13%. Sur les importations algériennes de l’année 2003, celles qui sont imposables au taux de 0% ou de 5% représentent pas moins de 57,3%. Alors que celles taxables au taux de 30% ne constituent que 16,6% des importations totales. Les avantages fiscaux accordés à l’importation ont atteint, en 2003, plus de 34 milliards de DA.

En termes absolus, nous dit-on, plus de 60% du manque à gagner résulte des avantages fiscaux accordés à certains biens d’équipements. Le directeur général des douanes affirme que le droit additionnel provisoire, qui, actuellement, est au taux de 24%, touche pas moins de 598 sous-positions tarifaires (107 biens alimentaires, 311 biens de consommation, 7 biens d’équipement et 73 biens de fonctionnement). Pour rappel, le DAP, institué par la loi de finances complémentaire pour 2001, fixé au départ à 60%, se réduit annuellement de 12% jusqu’à sa disparition en 2006.

Le directeur des douanes s’attend à une baisse de 30 à 40% de recettes cette année, due à la suppression, depuis cette année, des redevances douanières qui ont rapporté en 2003 au Trésor pas moins de 33 milliards de DA et la baisse de 12% du DAP. M. Lebib a évoqué dans son intervention l’avant-projet de réforme du code des douanes, qui, dit-il, “est transmis aux pouvoirs publics pour étude et adoption”.

De nouvelles facilitations, y compris en matière de gestion et de règlement de litige (recours privilégié à la transaction), ont été proposées.

Par Meziane Rabhi, Liberté