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L’entreprise algérienne face au changement

Une bataille contre l’enfer de l’environnement

samedi 13 mars 2004, par nassim

L’entreprise algérienne est à la croisée des chemins. Elle est sommée de faire sa mue pour s’adapter aux exigences de la globalisation, au risque de disparaître.

Le 3e Symposium international d’El-Oued, qui s’est tenu ce week-end sous le thème “L’entreprise algérienne face au changement”, se lit comme un avertissement autant aux entrepreneurs qu’envers le gouvernement. Envers les entreprises, car tous les participants, économistes et responsables d’institutions nationales et internationales, y compris le patron de la Badr, s’accordent à dire que le changement est d’abord et avant tout l’expression de la volonté du responsable de l’entreprise.
En d’autres termes, une des clés du changement dans l’entreprise est la reconnaissance par la direction d’un besoin de changer.

Malheureusement, selon M. Seghir, consultant et professeur en management : “La notion de changement n’est pas très populaire chez les managers algériens.” Ces derniers justifient le statu quo par le fait que l’environnement, qualifié à juste titre “d’enfer”, ne permet pas le changement.

Les managers citent le poids de l’État et du syndicat, les rigidités culturelles, les dysfontionnements de l’administration et des textes réglementaires et législatifs qui entravent le fonctionnement de l’entreprise. Pour autant, de vraies success stories existent dans ce domaine. M. Seghir cite l’exemple de Cevital qui a réussi à édifier une huilerie de grande capacité en six mois et l’amortir en une année.
C’est aussi le management de l’entreprise portuaire de Béjaïa qui transforme une quasi-administration en une entreprise performante qui multiplie ses résultats par 10 en 10 ans. C’est le cas de Saïdal qui, grâce à des partenariats réussis, est en progression constante. “Ces performances sont le résultat de véritables démarches de changement”, souligne M. Seghir.

Pour construire vite son usine, le patron de Cevital a fait appel à des moyens de réalisation non conventionnels. Ce sont les contraintes classiques de glissement dans les délais de réalisation d’infrastructures qui ont amené le patron de Cevital à rechercher des méthodes nouvelles d’organisation et de la maîtrise d’œuvre.
C’est le cas aussi du port de Béjaïa. Son PDG a axé la transformation sur l’implication des dockers, une population habituellement ignorée dans l’agenda des managers des ports. En réalité, affirme M. Seghir, ces managers “ont fait preuve de créativité managériale”.
Ils ont recherché des voies originales pour trouver des solutions à la hauteur de leur ambition. Pour cela, ils ont bouleversé les habitudes et les pratiques de gestion courantes. M. Seghir reconnaît que “cela ne se fait pas sans risque”. “Il a fallu une grande dose de courage au PDG de l’EPB pour oser bousculer des traditions quasi séculaires dans les ports algériens et accepter les conséquences des réactions parfois violentes quand les intérêts en jeu sont remis en cause”, souligne-t-il.
Pour M. Seghir, changer suppose avoir des objectifs clairs. “Cevital a des intentions bien fixées en matière de parts de marché dans les huiles alimentaires, avec des impératifs de performance très précis : générer suffisamment vite du cash flow pour rembourser les emprunts rubis sur l’ongle.”

M. Seghir conclut que l’environnement n’a pas empêché Cevital et l’EPB de réussir leurs ambitions. De ce point de vue, ceux qui acceptent d’affronter l’environnement peuvent le transformer en véritable avantage concurrentiel. Mais pour la majorité des opérateurs économiques, l’environnement est tel que l’entreprise se retrouve complètement désarmée et sans repères. Abdelhamid Temmar, soutient que “l’environnement des affaires en Algérie est un des meilleurs du monde”.

Cet avis a fait sourire beaucoup de dirigeants d’entreprises présents au symposium d’El Oued. Pour les responsables des entreprises, la mise à niveau de celles-ci passe par la mise à niveau de l’environnement et de la redéfinition du rôle de l’État. En d’autres termes, il faut “libérer” les gestionnaires des entreprises publiques, consacrer réellement l’autonomie de l’entreprise et arrêter définitivement “l’interventionnisme de l’État dans la gestion des entreprises”, comme l’a souligné M. Aoun, PDG de Saïdal.

En tout état de cause, l’ouverture des frontières, avec les règles de l’OMC et la consolidation des grands espaces régionaux, met les entreprises algériennes face au dilemme cornélien : s’adapter ou disparaître. Cependant, le changement, ce n’est pas seulement de nouvelles machines ou un ajustement du personnel, c’est une démarche globale qui affecte tous les aspects de l’entreprise, des approvisionnements à la production en passant par les mentalités.

S’il est facile d’acheter une nouvelle machine, il est bien plus difficile et long de changer les mentalités et l’organisation du travail.
L’exposé sur les transformations des entreprises des pays de l’Est, de Mme Anni Cordet, consultante en stratégie industrielle, l’a démontré d’une manière très claire. Justement en Algérie, l’un des principaux freins est lié à l’attitude des salariés algériens face aux risques.
Dans une étude présentée par M. Seghir, dans l’échelle “de contrôle de l’incertitude” de Hofsted, les salariés algériens obtiennent l’un des scores les plus élevés au monde. Le manager devra tenir compte de ce trait culturel pour mettre en place les moyens d’accompagnement nécessaires.

En effet, l’échelle de Meslow des salariés algériens révèle l’importance cruciale du besoin de sécurité. Ils ont une forme d’orientation au travail de type “expressif”. En revanche, note-t-on, “les salariés algériens ont des prédispositions exceptionnelles vis-à-vis du changement”.
La mesure d’un certain nombre d’indicateurs liés à la motivation et à la satisfaction au travail révèle un puissant levier de changement : l’amélioration de l’organisation du travail. Les facteurs intrinsèques à la tâche sont nettement privilégiés. L’étude conclut que l’organisation de l’entreprise algérienne est diamétralement opposée aux attentes des salariés.
Les voies du changement à travers l’organisation ont été clairement identifiées. Il s’agit d’opter pour des entités de travail de faible taille, d’éviter une trop forte centralisation ou une décentralisation poussée, développer une communication orale et préciser le plus possible les rôles et les responsabilités.

En tout état de cause, il ne peut y avoir de changement sans volonté de changer et le courage de conduire le changement.

source : Liberté-algerie.com