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L’enjeu de la réforme administrative en Algérie

lundi 14 février 2005, par Hassiba

Le gouvernement d’Ahmed Ouyahia réussira là où les exécutifs précédents avaient échoué : réformer en profondeur l’administration publique devenue au fil des ans l’un des obstacles majeurs au développement et une source de tracas pour les citoyens qu’elle était pourtant censée servir ?

Confier l’élaboration du diagnostic à un comité de compétences avérées est assurément un pas important dans ce sens, mais la réforme ayant surtout besoin d’actions concrètes, c’est sur la pertinence des décisions que prendra l’exécutif que l’on pourra juger des intentions réelles du pouvoir en matière de réforme administrative. Et de ce point de vue, on peut dire que les choses ont très peu avancé.

Trois années après son installation, la commission de réforme administrative n’a toujours pas livré ses conclusions tandis que les pouvoirs publics ont beaucoup plus brillé par le surcroît de procédures qu’ils ont greffées sur un système administratif qui était déjà bureaucratisé à l’excès. La société algérienne dans son ensemble est en tout cas aujourd’hui bien consciente que rien de bien sérieux ne pourrait être entrepris tant en matière d’émancipation sociale que de développement économique avec une administration publique aussi lourde et inefficace que la nôtre. L’économie algérienne ne pourrait à l’évidence se développer avec une administration aussi bureaucratique ayant de surcroît complètement perdu le sens de l’intérêt général, pour devenir une véritable machine à bloquer les initiatives.

En matière d’investissement par exemple, près de 35 000 intentions d’investir enregistrées par l’ANDI et les Calpi n’ont pu être concrétisées, en raison des lenteurs à obtenir les autorisations administratives nécessaires, le terrain d’assiette et le crédit bancaire requis. Ceux qui sont parvenus à surmonter ces difficultés en rencontreront bien d’autres pour mettre leur projet en activité. Obtenir un branchement électrique, une ligne de téléphone, dédouaner une marchandise ou un équipement de production sont autant de démarches qui requièrent beaucoup de temps lorsqu’on est un investisseur ordinaire. La bureaucratie s’accommodant mal avec l’investissement, bon nombre de promoteurs, notamment étrangers, ont préféré faire fructifier leurs capitaux sous d’autres cieux.

En 1998 déjà, on avait estimé les projets d’investissement étrangers en attente (un an et plus) à environ 12 milliards de dollars. S’ils s’étaient concrétisés, ces investissement directs étrangers auraient non seulement créé des milliers d’emplois mais aussi et surtout fait beaucoup progresser notre économie dans la dynamique de la mondialisation. C’est dire toute la gravité des conséquences d’une administration publique qui n’embraye pas avec les exigences économiques et sociales de son pays et l’urgence de remédier aux dysfonctionnements qui ont fait d’elle une des plus féroces prédatrices d’investissements. Un promoteur étranger‚ auquel la machine politico-administrative algérienne a fait subir bien des déboires, y compris un séjour dans un commissariat de police, nous a à juste titre affirmé être en mesure de s’adapter à toutes les situations, y compris l’insécurité qui prévalait à l’époque en Algérie, mais qu’il se sent a contrario tout à fait désarmé face au nombre et à la complexité des procédures exigées par l’administration algérienne.

C’est pour pouvoir gérer toutes ces procédures, aussi nombreuses qu’inutiles, que l’administration algérienne en est arrivée à être le plus gros employeur du pays (1 400 000 postes budgétaires). L’administration algérienne est à l’évidence pléthorique d’autant que « la tâche effective d’une bonne partie de ce personnel consiste à gêner et à perturber au maximum l’appareil productif », pour reprendre l’expression de l’économiste Abdehak Lamiri, qui continue à penser que le développement économique est un pari impossible à tenir dans l’état actuel des choses. Les gouvernements précédents l’ont appris à leurs dépens et l’on comprend mieux l’enjeu capital de la réforme administrative que le président de la République a décidé d’inscrire comme priorité dans celle beaucoup plus large des structures de l’Etat. Eliminer les procédures superfétatoires et spécialiser le personnel incontournable afin qu’il soit plus performant, c’est assurément le meilleur moyen de redynamiser l’investissement qui n’a jamais fait bon ménage avec la bureaucratie.

Mais quelles actions concrètes entreprendre pour débureaucratiser l’administration à ce stade de gravité ? Le diagnostic que réalisera le comité récemment installé par le président de la République apportera, nous n’en doutons pas, des éclairages précieux qui permettront de lancer les réformes de fond. Réduit au strict nécessaire, le personnel des administration aura bien entendu moins d’activités et de procédures à assumer. La réforme consistera en effet à alléger les circuits, à supprimer toutes les formalités qui compliquent inutilement la vie des citoyens, ce qui réduira d’autant la pression que le public exerce sur l’administration.

Alger, une capitale sans maire
La dérive du mode de gestion des collectivités locales est telle qu’elle conduit à des aberrations inqualifiables. La ville d’Alger en est un parfait exemple. La capitale de l’Algérie est, en effet, la seule ville au monde à ne pas avoir de maire. Toutes les capitales du monde ont un maire, sauf Alger. Depuis la dissolution du Conseil populaire de la ville d’Alger (CPVA), la capitale n’est plus représentée comme autrefois par un élu parlant au nom des 47 communes de l’agglomération algéroise, mais par le wali. La charge de représenter la capitale est en effet confiée à un fonctionnaire désigné par l’Etat et non pas à un élu représentant la population algéroise, ce qui est une aberration au regard du code communal.

Par Grim Nordine, El Watan