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L’affaire AIG sème le trouble sur les marchés financiers

lundi 4 avril 2005, par Hassiba

Certains commentateurs n’hésitent plus à parler d’une nouvelle affaire Enron. Le rapprochement est sans doute exagéré. Mais depuis qu’AIG, la première compagnie d’assurances mondiale, a avoué, la semaine dernière, avoir truqué ses comptes et surévalué ses fonds propres de 1,7 milliard de dollars (1,3 milliard d’euros), Wall Street a peur.

Et pour cause. La principale activité de la société est la réassurance, c’est-à-dire qu’elle assure les compagnies d’assurances contre les risques qu’elles ne peuvent pas assumer seules. Une faillite représenterait donc un risque pour le système financier dans son ensemble. On est loin d’en être là, mais la Réserve fédérale américaine suit l’affaire de près.

AIG a perdu la semaine dernière son triple A, la meilleure note que donnent les agences de notation financière aux entreprises qu’elles jugent capables, quoi qu’il arrive, d’honorer leurs dettes. AIG ne fait donc plus partie du club, et les deux plus grandes agences, Standard & Poor’s et Moody’s, ont prévenu qu’elles n’en resteraient peut-être pas là. Vendredi 1er avril, l’action AIG a perdu plus de 8 %, ce qui porte à 30 % sa chute depuis trois semaines. Dimanche, le nouveau PDG d’AIG, Martin Sullivan, a écrit aux actionnaires pour tenter de les rassurer. Il leur a notamment révélé la tentative de certains de ses employés de faire disparaître des documents d’un immeuble AIG des Bermudes ­ paradis fiscal à partir duquel le groupe fournissait des rémunérations supplémentaires aux dirigeants ­ et a indiqué en avoir alerté la justice.

Le département de la justice, le procureur de l’Etat de New York, Eliot Spitzer, et la Securities Exchange Commission (SEC), l’autorité des marchés, ont lancé de multiples enquêtes. Ils cherchent aujourd’hui à savoir dans quelle proportion des transactions illégales ont faussé les ratios prudentiels, qui mesurent la capacité de la compagnie d’assurances à faire face aux risques qu’elle prend. Les cadres d’AIG ayant donné de fausses informations aux autorités de tutelle de l’assurance des Etats de New York et de Pennsylvanie pourraient être inculpés sur le plan criminel. Et le scandale pourrait éclabousser le très célèbre investisseur Warren Buffett (Le Monde du 31 mars).

TROP PEU ET TROP TARD
Le conseil d’administration de la compagnie ­ qui compte 16 membres, dont certaines personnalités politiques de premier plan comme l’ex-secrétaire à la défense William Cohen et l’ancien ambassadeur américain aux Nations unies Richard Holbrooke ­ tente aujourd’hui de limiter les dégâts. Maurice Greenberg, l’homme qui a fait d’une obscure compagnie le premier assureur de la planète et qui l’a dirigée en autocrate pendant trente-sept ans, a été contraint de démissionner. AIG a licencié trois cadres dirigeants dans les dernières semaines, dont son directeur financier, Howard Smith, qui avait refusé de collaborer avec la justice.

Mais pour un certain nombre d’organisations d’actionnaires et de fonds de pension, c’est trop peu et surtout trop tard pour un conseil qui a toujours été considéré comme étant à la botte de Maurice Greenberg. "Le conseil d’AIG a été constamment un des plus mauvais dans son genre", affirme Nell Minow, de Corporate Library, un groupe spécialisé dans l’évaluation de la qualité de la gouvernance des entreprises. Pour mettre fin aux poursuites civiles engagées par d’anciens actionnaires, les administrateurs d’Enron et de WorldCom ont été contraints de payer respectivement 13 et 18 millions de dollars sur leurs biens personnels. Ceux d’AIG pourraient se retrouver dans une situation similaire.

La taille d’AIG ­ 82 milliards de dollars de fonds propres et 132 milliards de dollars de capitalisation boursière ­ est sans doute sa meilleure protection. Le gouvernement réfléchira à deux fois avant d’engager des poursuites pénales contre la compagnie d’assurances, comme il l’avait fait en 2002 avec Arthur Andersen. Il avait alors signé l’arrêt de mort du cabinet d’audit. Quoi qu’il en soit, AIG n’échappera sans doute pas aux poursuites civiles des investisseurs et actionnaires.

Par Eric Leser, lemonde.fr