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L’Europe dévoile son arsenal contre le textile chinois

jeudi 7 avril 2005, par Hassiba

En matière commerciale, l’Europe et la Chine se comportent comme l’Occident et l’URSS naguère, du temps du rideau de fer et de la dissuasion nucléaire.

Chacun des deux acteurs envoie à l’autre un signal belliqueux, suffisamment dissuasif pour éviter d’en arriver à l’extrémité que tout le monde refuse : appuyer sur le bouton.

En annonçant hier que Bruxelles se réserve le droit de recourir à l’introduction de clauses de sauvegarde pour freiner l’afflux des textiles chinois, le commissaire européen au Commerce, Peter Mandelson, a franchi un petit pas supplémentaire dans le conflit qui oppose les deux puissances depuis la suppression des quotas, le 1er janvier 2005. « Nous avons la responsabilité et l’obligation de tenir compte de l’impact en Europe et chez nos voisins » de la libéralisation du commerce textile, a-t-il déclaré.

Selon Bruxelles, les hausses des importations constatées pour cinq catégories de produits se situeraient à proximité d’une « zone d’alerte ». Il s’agit en particulier des pull-overs, des pantalons masculins, des bas et chaussettes et des costumes féminins, dont les importations en volume ont progressé de plus de 5 000% ! Si ces inquiétudes se confirment - et il faudra attendre pour cela la mi-avril - la Commission pourrait proposer de lancer une « enquête » et d’engager des « consultations informelles » avec les Chinois. Conformément aux règlements de l’OMC, l’activation de ces clauses de sauvegarde qui n’interviendrait, au plus tôt, pas avant l’été, obligerait Pékin à limiter ses exportations textiles en deçà d’un certain seuil.

Mais comme l’a précisé Peter Mandelson, « il s’agit d’une étape sérieuse et certainement pas quelque chose à quoi nous devrions avoir recours légèrement ou automatiquement ».

Pour l’instant, a-t-il précisé, « il est trop tôt pour juger de la tendance exacte » des importations. Favorable à la « protection » des intérêts industriels européens, mais hostile à toute forme de « protectionnisme », Peter Mandelson le libéral, s’efforce depuis plusieurs semaines de slalomer au mieux entre les diverses pressions contradictoires dont il est l’objet.

Le lobbying effréné du patronat textile européen, qui rêve aujourd’hui d’une restauration des quotas, l’a obligé, le premier, à montrer les dents. De même que les récriminations de plusieurs pays, comme la France, l’Italie ou l’Espagne, premières victimes des bouffées d’importations chinoises. Récemment, ces Etats, avec d’autres, ont réussi, au sein du Conseil, à bloquer une proposition de Mandelson visant à accorder des préférences commerciales aux pays victimes du tsunami. Concurrent redoutable pour le textile européen, l’Inde faisait naturellement partie de la liste des bénéficiaires... .

A cette pression des Vingt-Cinq, s’ajoute celle des Etats-Unis. Lundi, Washington a déjà annoncé, sous la pression des industriels américains, le déclenchement d’une enquête fédérale sur les importations chinoises. Or, l’Europe redoute que les mesures protectionnistes adoptées outre-Atlantique ne se traduisent in fine, par un écoulement, sur le marché européen, des produits originellement destinées au marché états-unien (chemises en coton...). D’où la nécessité pour Bruxelles d’organiser, en parallèle, sa propre riposte. En revanche, une action euro-américaine concertée n’est pas souhaitée : « Elle conduirait à une réintroduction des quotas, ce qui serait un mauvais message pour les Chinois », souligne une source communautaire. C’est pourquoi le dosage de la communication européenne se révèle si difficile. Celle d’hier a peut-être atteint son objectif de court terme : Pékin a dénoncé le « protectionnisme » américain et européen ; les industriels français ont applaudi...

Bruxelles-Pierre Avril, lefigaro.fr