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L’Algérie vue par les Arabes

lundi 21 mars 2005, par nassim

Un rapport d’attraction-répulsion a toujours régi les relations entre l’Algérie et le reste des pays arabes.

Dans l’imaginaire arabe, tel que travaillé et retravaillé par les discours et les médias, le nom de l’Algérie revient quasi rituellement pour deux faits historiques contrastés, mais liés par un même lien du sang : la glorieuse révolution de 1954 et la violence des années 1990. Alors, d’un côté, une source de fierté, donc un exemple à suivre, et de l’autre, une source de peur, un épouvantail.

Associé de façon rituelle au martyre du « milyun chahid » (million de martyrs), qui appelle les plus grands hommages - beaucoup d’écrivains, de poètes, de cinéastes arabes d’Orient ont rendu hommage à la révolution algérienne -, le nom de l’Algérie bascule brusquement dans l’innommable et devient symbole de l’horreur, de l’hystérie religieuse, mais surtout du « débordement démocratique » qui doit en être la cause. Car si l’expérience démocratique du début des années 1990 a beaucoup séduit les Arabes « du Golfe à l’Atlantique », grâce à l’esprit d’ouverture et de la liberté d’expression qui l’a marquée, au point de faire peur à certains régimes qui redoutaient ainsi un effet de contagion au sein des sociétés qu’ils régentent, la dérive sanglante qui a juste suivi cette étape a fait craindre aux mêmes opinions l’extension de la déferlante intégriste dans leurs pays. On n’osait pas croire que les Algériens pouvaient s’entre-tuer aussi atrocement ; alors, on occulte les images, on prend ses distances.. L’image, ancrée dans les esprits par l’effet des médias occidentaux et moyen-orientaux, sera davantage noircie par les massacres de civils des années 1996-97 qui ont achevé de fixer dans l’opinion cette idée d’une guerre civile. Il n’y a qu’à se souvenir de l’image qu’en donnait une chaîne comme Al Jazeera pendant des années.

A l’opposé des médias, les dirigeants, eux, à quelques exceptions près, continuaient, tout au long de cette période, à traiter l’Algérie comme une pestiférée. Faussement compatissants, les Arabes en général ont préféré rester « neutres », y compris à l’occasion des sommets arabes. Ils n’ont en tout cas jamais aidé l’Algérie à se relever de son malheur.

L’aveu de Moubarak

Passée cette période difficile, l’Algérie réintégrait peu à peu le concert des nations, mais les vieux clichés tardent à disparaître. A en juger par la polémique qu’a provoquée un peu malgré lui le président égyptien qui a déclaré à un média européen, il y a seulement quelques mois, en réponse à une question relative à la disposition des Arabes, et notamment des Egyptiens, à appliquer les réformes de démocratisation suggérées par Washington pour le monde arabe, que l’exemple algérien n’était pas pour inciter à s’y engager maintenant. Il craignait ainsi que si les pays arabes s’engageaient dans un processus démocratique effectif, les islamistes prendraient assurément le pouvoir. Des propos qui choquent par leur vérité ; mais qui renseignent largement sur un état d’âme partagé par une majorité de dirigeants arabes. Inutile de rappeler que Hosni Moubarak s’en est excusé un peu plus tard auprès du président Bouteflika.

Les frictions entre Alger et Le Caire ne s’arrêteront pas là d’ailleurs. Puisque, lors du dernier sommet arabe en date, les représentants algériens ont soulevé le problème du mode de désignation de la direction de la Ligue arabe, monopolisée depuis longtemps par les Egyptiens. Et l’affaire promet des rebondissements.

Pourquoi cette soudaine rebuffade d’Alger ? Pourtant, l’Algérie officielle semblait comme totalement détachée des « préoccupations arabes » depuis près de quinze ans. Avec la politique extérieure de Bouteflika, l’Algérie se voit en effet orientée beaucoup plus vers l’Europe, et aussi vers le Sud (Afrique), en quête de partenariat durable et bénéfique pour le pays, où le chef de l’Etat se rend très fréquemment, soit pour des visites d’Etat, soit pour assister à des forums. Ses interventions dans les différentes sommets arabes auxquels il a pris part ont rarement été percutantes. Même avec un ministre des Affaires étrangères islamisant, le gouvernement algérien paraît plus que jamais détourné du Levant. Ce sommet d’Alger va-t-il changer quelque chose à la situation ?

Par M. A., lanouvellerepublique.com