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INTERNET : Les comparateurs de prix sont-ils fiables ?

samedi 23 avril 2005, par nassim

La comparaison des tarifs sur Internet devient de plus en plus courante dans l’Hexagone. Cette pratique cache pourtant des partenariats et ficelles commerciales souvent obscures pour l’utilisateur. Décryptage.

Lors de la recherche d’un vol Paris-Genève en aller-retour sur le site Kelkoo.com, leader des comparateurs de prix en France, seules cinq agences se disputent l’ensemble des réponses affichées sur six pages, avec des prix relativement similaires. Aucune trace d’easyJet, spécialiste des prix cassés, particulièrement compétitif sur ce parcours. Cette situation étonnante repose sur les mécanismes très simples du redoutable modèle économique choisi par les comparateurs.

Acheter un appareil photo numérique, le dernier CD de Gérald de Palmas ou réserver ses vacances en ligne au meilleur prix ? Rien de plus facile, pourrait-on croire. Des moteurs de recherche spécialisés en shopping, plus communément appelés comparateurs de prix, distillent prix, délais de livraison, informations techniques et, surtout, un lien direct vers le site marchand où vous ferez affaire. Ils font appel à des shopbots, des robots qui parcourent la toile et indexent les prix à des fins de veille concurrentielle ou pour alimenter des comparatifs affichés sous forme de tableau.

Si les comparateurs de prix ne représentent pas un passage obligé, ils s’avèrent déterminants pour se retrouver dans la jungle dense des offres sur internet. Apparus fin 1999 en France, ils ont vu leur notoriété s’étendre avec l’essor de l’e-commerce, tout en participant eux-mêmes à ce développement. La Fevad, fédération des entreprises de vente à distance, évalue à 11 millions le nombre de cyberconsommateurs en France, une grande partie ayant été récemment convertis par l’arrivée du haut débit. Selon Pricerunner.com, autoproclamé n° 2 du secteur en France, 88% des internautes sont attirés par les prix et promotions disponibles sur le net, 82% plébiscitent le gain de temps et 66% estiment que l’achat en ligne favorise la comparaison des offres et des prix.

En effectuant une recherche sur le net, beaucoup d’internautes ne sont pas conscients qu’une grande part de l’information peut être manipulée à des fins commerciales. En 2001, avec l’éclatement de la bulle internet et l’effondrement de la publicité en ligne, les comparateurs de prix ont établi des partenariats avec les magasins en ligne pour retrouver la rentabilité.

Une recherche limitée aux entreprises partenaires

Sadek Chekroun, directeur général France de Kelkoo (qui revendique 9 millions de visiteurs uniques sur le seul mois de décembre 2004) nous révèle que Kelkoo effectue ses recherches au travers des quelque 1 000 sites marchands qui ont signé un accord avec eux. « Notre site représente un moteur de croissance pour ces sociétés, précise-t-il. En échange, elles nous reversent un montant compris entre 10 centimes et 60 centimes pour chaque clic effectué de notre site vers le leur. »

Le coût du clic s’avère variable selon les domaines et la demande. De plus, Kelkoo prélève un pourcentage sur chaque achat effectué. Ses investigations portent donc uniquement sur les sites acceptant de leur verser une commission. Cela explique l’absence d’easyJet lors de notre recherche. La compagnie, qui a construit sa renommée sur les vols à bas prix, ne désire pas faire supporter aux clients les surcoûts induits. « Il faudrait qu’ils adaptent leur système au nôtre, beaucoup plus réactif, ajoute Stéphane Fargette, porte-parole d’easyJet. De toute manière, nous manquons plutôt d’avions que de passagers. »

En 2002, l’UFC-Que Choisir avait déjà épinglé les comparateurs de prix à propos des accords noués et de la non-objectivité de l’information délivrée, soulignant le manque de transparence du mode de fonctionnement des sites. La situation semble n’avoir guère évolué, même si des liens, peu visibles, présents sur Kelkoo.com, permettent de mieux cerner les fondations du modèle économique de la société. Accessible uniquement depuis la page de résultats, donc une fois que l’internaute a commencé sa recherche, le lien « plus d’informations » avertit l’internaute que les résultats fournis ne sont pas exhaustifs, mais reste peu disert sur la nature des accords commerciaux ni sur leur influence sur les résultats. Interrogé à ce sujet, Sadek Chekroun nous apprend que le positionnement sur la page, outre la pertinence par rapport au thème, reste assujetti à la somme déboursée par les sites marchands pour figurer en bonne place. De plus, Kelkoo décline toute responsabilité quant à la véracité des résultats annoncés, se reposant sur la compétence attendue de ses partenaires.

Avec un chiffre d’affaires de 5,5 milliards d’euros pour l’année 2004 en France (source Fevad) et une croissance significative de ses parts de marché (53% d’augmentation par rapport à 2003), l’e-commerce attire tous les grands acteurs du web. Yahoo a racheté Kelkoo en mars 2004 pour la coquette somme de 475 millions d’euros. Google propose Froggle, un moteur destiné pour l’instant aux Etats-Unis, et AOL a développé inStore et vient juste de signer avec Shopping. Depuis avril 2005, Microsoft procure un service de comparaison de prix sur son portail, baptisé MsnShopping. Ces initiatives font reculer le rêve d’un véritable comparateur, indépendant des intérêts commerciaux. Pourtant, de nouveaux acteurs annoncent des prestations objectives. Gooster.com prétend offrir une recherche exhaustive sur le marché français, ces revenus étant générés grâce à des liens sponsorisés comme on en trouve sur Google. Pricerunner.fr revendique une totale indépendance, affichant des résultats issus du net mais aussi de boutiques physiques.

En définitive, les guides d’achats semblent délivrer un contenu plus proche de la publi-information que de la véritable recherche. L’utilisateur doit faire preuve de vigilance et s’attacher à la clarté des informations délivrées (présence de partenaires ou sponsors, degré de réactualisation de l’information) ainsi qu’à la présence d’explications supplémentaires qui pourront faciliter son choix tels des bancs d’essai issus de revues indépendantes ou des avis d’utilisateurs.

Les comparateurs comparés

Nous avons effectué la même recherche (appareil photo
numérique Olympus MJU 400) sur différents comparateurs.
Avec des résultats divergents.

Kelkoo.com affiche son meilleur prix à 235 euros sur un total de 24 marchands. Les spécifications détaillées s’avèrent correctes mais la politique du site reste difficile d’accès.

Pricerunner.fr propose 236 euros et 11 boutiques. Nous n’avons pas trouvé le meilleur prix annoncé de 205 euros. Le site fournit beaucoup de renseignements, des avis de
revues spécialisées et d’utilisateurs. Il indique clairement son mode de fonctionnement.

Gooster.fr propose des appareils photo mais aussi des accessoires et des appareils d’autres marques. Difficile de s’y retrouver. Les résultats sur Olympus ne concernent
que 4 enseignes. Les caractéristiques produit sont absentes mais la charte du site est claire.

Shopzilla.fr fournit son meilleur prix à 244 euros mais dans
une seule boutique. Le site reste avare en renseignements.

Shopping.com affiche sa meilleure affaire à 236 euros mais ne propose que 4 enseignes. Les informations sur le produit et sur la politique adoptée sont claires et abondantes.

Par François Delétraz, Martine Moreau et Pascal Grandmaison, lefigaro.fr