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Hollywood se découvre une passion pour le soccer

mercredi 23 mars 2005, par Hassiba

Diego Maradona l’a voulu, Emir Kusturica le fait. A la demande du footballeur argentin, le réalisateur serbe a commencé, vendredi 18 mars, en Argentine, à Buenos Aires, le tournage d’un long métrage sur la vie agitée du célèbre "Pibe de oro".

Cette rencontre prometteuse entre le cinéaste deux fois Palme d’or à Cannes (1985, 1995) et le génial footballeur, champion du monde en 1986, témoigne d’un intérêt nouveau du cinéma pour le football.

C’est un drôle d’engouement, qui touche notamment Hollywood. En dépit du succès d’A nous la victoire (John Huston, 1981), où Pelé donnait la réplique à Sylvester Stallone, les films américains sur le football étaient restés marginaux. D’ici à juin 2006, au moins cinq productions sur le soccer ­ le nom américain du football ­ sont attendues.

Acteurs, producteurs ou distributeurs, on ne compte plus ceux qui veulent se frotter à ce sport, longtemps considéré peu attractif sur les grands écrans américains, à la différence du basket-ball, du base-ball et du football américain. "Le foot est un milieu génial pour un film, il y a tellement de passion et d’adrénaline en jeu", insiste Lexi Alexander, ancienne championne du monde de karaté et de kickboxing, qui a récemment réalisé The Yank, un long-métrage consacré au problème du hooliganisme.

Goal, en tournage depuis janvier 2005, est l’un des films les plus ambitieux parmi la vague à venir. Basé à Los Angeles, le producteur anglais Mike Jefferies, qui a fait fortune avec le Web, fan du FC Liverpool et volontaire, à l’automne 2004, pour entrer dans le capital de ce club, raconte : "En juin 2003, j’ai rencontré Sepp Blatter, le président de la Fédération internationale de football (FIFA), et je lui ai dit : undefinedEcoutez, j’ai une idée. J’aimerais avoir accès aux matches, aux vraies équipes, aux vraies marques pour rendre le film le plus authentique possible.undefined On a donc fait un marché : on célèbre la beauté du foot et, en échange, on crée une image positive de ce sport, particulièrement pour le marché américain et l’Asie."

Le script prévoit de suivre un jeune joueur latino-américain, de ses débuts à Los Angeles, puis dans le championnat anglais, jusqu’à la Ligue des champions et la finale de la Coupe du monde. Un projet à 100 millions de dollars (75,7 millions d’euros) avec, en guest stars annoncées, Zinédine Zidane, David Beckham, Patrick Kluivert et Raul.

"La FIFA soutient ce film parce qu’elle estime qu’elle a des intérêts en termes techniques, marketing, et de relation avec les médias. Ça permet à la production d’éviter de courir après les droits d’image", explique Peter Hargitay, producteur exécutif du film, par ailleurs consultant de la FIFA.

Ce partenariat est une première. Il a donné lieu à des contrats avec l’UEFA, la chaîne Sky, ainsi qu’avec les clubs de Newcastle, du Milan AC, du Real Madrid, l’équipe nationale d’Argentine et l’équipementier Adidas. Derrière la caméra se trouve Danny Cannon, réalisateur de Souviens-toi l’été dernier2 (1998).

A l’automne, devrait commencer le tournage d’une super-production concurrente : The Goal, un projet parrainé par l’équipementier Nike, qui vise en priorité le marché des Latino-Américains. "C’est maintenant une réalité bien connue qu’un Américain sur huit est d’origine hispanique. Ils sont beaucoup plus sensibles aux choses du football", explique Paolo Sadri, coproducteur du film avec Spike Lee.

Mario Lopez, ancienne vedette de la série télévisée Sauvé par le gong, incarnera un jeune des favelas en route pour le titre honorifique de meilleur joueur du monde, via le championnat américain. Paolo Sadri annonce à ses côtés l’ensemble de l’équipe nationale brésilienne. Il dit étudier aussi un partenariat avec l’US Soccer Foundation, organe financier de la Fédération américaine de football.

Ce pari de faire des films à succès sur le football est loin d’être gagné dans un pays où le soccer a du mal à faire sa place. "Aux Etats-Unis, le football est un loisir. Il n’y a pas de undefinedculture footundefined. On joue, mais on ne suit pas l’actualité", souligne Andrei Markovitz, auteur de Hors jeu, le football et l’exception américaine (Princeton University Press, 2001).

Avec The Game of their Lives (le match de leur vie), qui arrive sur les écrans américains le 22 avril, le réalisateur David Anspaugh a, lui, choisi d’adapter une histoire vraie, celle de la victoire inattendue des Etats-Unis face à l’Angleterre (1-0), lors de la Coupe du monde 1950. Ce film est produit par Crusader Entertainment, qui appartient au milliardaire Philip Anschutz, également propriétaire des équipes de soccer de Los Angeles, Chicago et New York et, de fait, l’un des principaux bailleurs de fonds de la Ligue américaine de football (MLS).

Les 32 millions d’entrées réalisées aux Etats-Unis par Joue-la comme Beckham (2002), un film de l’Anglaise d’origine indienne Gurinder Chadha, sont aujourd’hui considérés comme le tournant décisif de cet engouement. "Hollywood a compris qu’il y avait un marché à utiliser et que c’était bon pour le box office", commente Kathy Carter, vice-présidente de Soccer United Marketing (SUM), la société qui gère les droits commerciaux de la MLS. "Mais il y a aussi une compréhension plus générale de ce qu’est le football", précise-t-elle.

Les équipes féminines ­ les Américaines ont emporté la médaille d’or aux Jeux olympiques d’Athènes, en 2004 ­ et celles de jeunes ­ 15 des 19 millions de licenciés du soccer ont moins de 18 ans ­ sont largement responsables de cette nouvelle "compréhension" du public américain. Kicking and Screaming, une comédie de Jesse Dylan, dont la sortie est prévue le 13 mai aux Etats-Unis, reprend ce constat à son compte en racontant l’épopée victorieuse d’un père de famille, improvisé coach de l’équipe de son fils de 10 ans.

Un autre facteur porteur de cette rencontre du football et d’Hollywood tient dans le fameux"effet Coupe du monde", celle qui a eu lieu aux Etats-Unis en 1994, et, surtout, celle qui aura lieu en Allemagne, en juin 2006. Le calendrier des distributeurs est formel : Goal et The Goal coordonneront leurs sorties en salles avec l’événement.

Par Elise Vincent, www.lemonde.fr


Un engouement international
Outre les projets américains ­ Goal, The Goal, et The Game of their Lives ­, deux autres longs métrages ayant le football pour thème central, l’un européen et l’autre sud-américain, sont attendus prochainement sur les écrans.

Football Factory : ce film du réalisateur anglais Nick Love est adapté du livre du même titre de John King. Il s’agit d’une critique sans aménité des supporteurs du club anglais de Chelsea. Sorti outre-Manche en 2004, il apparaîtra sur les écrans français au cours du 2e semestre.

Linha de passe : ce projet de film du réalisateur brésilien Walter Salles ­ auteur notamment de Central do Brasil (1998) et de Carnets de voyage (2004) ­ devrait narrer le parcours de quatre frères de Rio de Janeiro, dont un seul accomplit le rêve de devenir footballeur.