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Faut-il adhérer à l’OMC ?

mercredi 7 juillet 2004, par Hassiba

Quand une organisation est créée sans qu’on ait participé à sa création, on ignore nécessairement ses tenants et ses aboutissants. Comme on vit dans un environnement économique et social mondial très turbulent aux variations impétueuses et qui exerce ses pesanteurs sur nous, on ne peut pas rester indifférent ou neutre sur ce qui se dit et ce qui se fait autour.

L’instinct de survie nous oblige à agir et à être un élément actif de cet environnement plutôt que de subir passivement tous ses méfaits. Avant de prendre position et avant de se prononcer sur son utilité, sa viabilité ou sa défaillance, on laisse les faits parler d’eux-mêmes. En attendant que cette machine (organisation) se mette en marche pour confirmer ou infirmer les préjugés ou les idées préconçues qu’on se faisait d’elle, trois cas peuvent se présenter et non des moindres :
 1- Soit elle réalise des résultats négatifs, elle rate son objectif, et elle fait faillite ; là, on éprouve un sentiment de soulagement et d’autosatisfaction et quelquefois même de suffisance, pour avoir vu juste et prédit sa défaillance. On se félicite d’être circonspect et d’avoir évité la précipitation.
 2- Dans le cas contraire, quand elle réalise des résultats tangibles, on ne peut être que triste et déçu de notre réticence, de notre excès dans la vigilance et de l’inertie de notre réflexe qui nous aurait ainsi privé de gains substantiels. On s’accuse du manque de perspicacité et de sagacité. Nous subissons alors une sorte de torture de la conscience terrible et dure à surmonter.
 3- Dans le cas où les résultats sont mitigés et c’est souvent le cas, on enregistre des résultats positifs dans certains créneaux et des résultats négatifs dans d’autres ; des avancées quelquefois et des reculs parfois. Dans ce cas de figure, la réflexion prend le dessus sur l’émotion et les réponses apportées seront plus objectives que subjectives.

C’est justement ce dernier cas qui nous intéresse et intéresse tout praticien. Tout acteur économique digne de ce nom sait d’emblée que l’optimum n’existe qu’en théorie et que la prise de toute décision économique présente concomitamment des avantages et des inconvénients qu’il convient de mesurer, de jauger avant d’opter pour un choix donné. Est-il nécessaire de rappeler qu’en économie il n’existe pas de bon choix en soi ? Et comme corollaire, de mauvais choix en soi et que la vie économique et sociale n’est pas régie par des automatismes et les résultats ne découlent pas d’eux-mêmes.

La science économique présente justement cette spécificité d’être une science humaine qui étudie des phènomènes objectifs.
Elle nous apprend à :
 Nous poser de bonnes questions.
 A tenter d’y répondre par de bonnes méthodes.
 En utilisant des instruments
appropriés. On ne décrète pas l’adhésion ou la non-adhésion à I’OMC, en fonction des référents et des repères idéologiques ou politiques. Adhérer ou non à une organisation à caractère économique, en l’occurrence l’OMC, est avant tout une question d’ordre économique. C’est donc une astreinte à figurer au positif de la vie économique. Il n’est pas sans importance de signaler que dans toute organisation, de quelque nature qu’elle soit, quand elle associe des éléments de poids disparates, elle profite, souvent, de manière exclusive sinon en majeure partie en faveur des « poids lourd » au détriment des « petits » de ladite organisation. Cette logique est d’autant plus valable pour les organisations de nature économique, parce que l’économie comme l’ont définie certains auteurs est « une guerre d’intérêts contradictoires entre acteurs économiques », la science économique se propose d’apporter des solutions plus ou moins justes et équilibrées en vue de contenir cette confrontation d’intérêts. Lesquels intérêts sont en situation de conflits perpétuelle, mais à l’état latent (non déclaré). Cette contradiction constitue paradoxalement l’essence même du mouvement de la dynamique économique. On remarque d’une manière récurrente dans tous les textes fondateurs et les règlements intérieurs régissant ces organisations les caractéristiques suivantes :
 Elles se fixent des objectifs nobles, c’est-à-dire utiles et moraux.
 Elles définissent des règles de fonctionnement, supposées être, du moins dans le principe et en début de mise en œuvre, censées tenir compte des moyens et des intérêts de tout le monde, et des grands et des petits. Quelquefois, on excelle dans la démagogie en prétendant profiter, en priorité avec un plus grand avantage, aux plus faibles. - On institue un conseil de discipline qui veillera au respect de ses règles.
 Enfin, on n’omet pas d’embellir ces textes de maximes de sagesse faisant appel au sens de responsabilité, de sérénité, de discipline et de sacrifice en vue de veiller à la cohésion et à la pérennité de la « chère » organisation naissante. Et de faire preuve de bonne foi et de bonne volonté en vue de lancer les défis haut de gamme.

En fait, n’est-il pas une vision idyllique que de penser qu’il est possible d’instituer un système économique où tout le monde trouverait son compte comme si la notion de la rareté de la richesse n’existe pas !? D’ailleurs dans les principes directeurs de I’OMC, on retrouve ces concepts : Transparence, prévisibilite, équité, consolidation, non-discrimination, liberté, loyauté, plus de priorités aux pays en développement. Mais en fait, ce ne sont qu’un décor servant de marketing plutôt que comme caractères intrinsèques de fonctionnement. L’observation empirique nous renseigne et l’histoire nous enseigne que dans les faits les intérêts des grands sont toujours mieux servis et préservés et de manière prioritaire, notamment en périodes de crise. Quand la crise atteint son paroxysme et que le fonctionnement de l’organisation va à l’encontre des intérêts des grands, les textes préalablement établis en guise de « garde de fous » et de balises contre toute déviation deviennent subitement des obstacles au développement et à la bonne marche de l’organisation. Désormais, les textes sont vus sous un autre angle et interprétés d’une autre manière. Ils (les grands) ne se gênent pas un instant pour violer les règles de la moralité et les transgresser sans réserve, sans retenue et sans état d’âme. Ils ne cèdent pas d’un iota sur leurs intérêts. Ils n’hésitent pas à mettre en péril la vie et l’avenir d’une organisation si fragile dont ils étaient pourtant les précurseurs et les concepteurs. En fait, que vaudrait un pacte signé ou une promesse donnée d’un vainqueur pour un vaincu ?

Nous avons la nette impression que toute cette « armada » de règles et de lois veille sur l’intérêt des petits dans leurs textes et sur celui des grands dans leur esprit et que le formel ne sert plus que de paravent à l’informel. Ne dit-on pas d’ailleurs que l’informel est plus important que le formel, d’après Fayol ? Parce que la quantité d’informations véhiculée oralement est plus importante, plus souple, plus persuasive, plus attrayante et plus rapide que celle véhiculée par des supports matériels. Et quand l’organisation atteint un degré de déliquescence très avancé, les petits se trouvent, n’ayant pas les moyens de sanctionner ces grands « déviants », acculés à secourir eux-mêmes cette organisation en faisant davantage de sacrifice. Parce qu’ils seraient dans une situation telle que si l’organisation disparaissait les grands perdront peut-être quelques dividendes, mais les petits seraient menacés de ruine. L’adage dit : « En temps de disette, les riches perdent leurs richesses et les pauvres perdent leur tête. » Comme le disait un auteur : « Entre un homme armé et un homme désarmé, il n’y a aucune comparaison ». Telle est la logique des organisations trop hétérogènes : « Les grands se partagent les intérêts et les petits se partagent les risques. »

Mais, pourquoi adhérons-nous à une organisation où nous sommes lésés d’avance ? En fait, le mobile réel qui pousse nombre de pays à y adhérer en dépit de l’inégalité des chances, c’est qu’ils pensent, à tort ou à raison, que le minimum de gains du dedans est supérieur au maximum du gain du dehors et que le maximum du risque du dedans est inférieur au minimum du risque du dehors. La question qu’il convient de vérifier à présent est de savoir si cette hypothèse est fondée ou plausible ? Est-il vrai que les intérêts et les dividendes que tirerait un pays économiquement sous-développé à base matérielle (infrastructure) fragile et vulnérable, à superstructure anachronique et primitive et à structure sociale de type tribale qui rentre en compétition avec des pays forts gagnerait davantage qu’il ne perdrait ?
Cette idée ou ce « conseil » n’était-il pas sifflé à l’oreille en vue d’entrer dans une bataille où l’on est perdant d’avance, par nos futurs concurrents même ? Je dis concurrents et non partenaires parce que l’OMC ne se définit pas comme une organisation régionale ou comme la coalition de pays alliés en vue de s’octroyer des avantages mutuels pour avoir plus de compétitivité et faire face collectivement à un marché commercial.
Cette organisation contrairement à toutes les autre organisations de par l’Histoire et de par le monde est spécifique. Elle ne spécifie pas de pays par rapport à d’autres, et elle ne fixe pas de paramètres d’éligibilité d’appartenance au préalable, si ce n’est celui d’accepter et de ratifier les règles sur lesquelles il y a déjà eu consensus entre les pays membres. Elle est transnationale, transrégionale et transcontinentale. Elle laisse la porte ouverte à tout pays manifestant sa volonté d’adhésion. A supposer que tous les pays du monde manifesteraient cette volonté d’adhésion. A qui livrerait-on concurrence si ce n’est à ses propres adhérents ? Si l’on part de l’hypothèse sacro-sainte de l’économie qu’il n’y a pas de gain de productivité en l’absence de concurrence, quel est la place à donner à la concurrence dans un marché où les règles qui le régissent définissent les créneaux et répartissent les tâches ? (A suivre)

Par Akkal Azeddine
Universitaire, El Watan

Bibliographie
 Jacques Maquet : Les civilisations noires - Collection Marabout - Université de Paris 1981.
 J. B. Say : Traité de l’économie politique - Edition Enag Alger 1991
 Revues d’économie et de statistiques appliquées INPS