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Entretien avec Saïd Hilmi

dimanche 17 avril 2005, par nassim

Lors de la cérémonie de clôture des 10e journées théâtrales El-Fordja, organisées par le Mouvement théâtrale de Koléa (MTK), nous avons abordé l’artiste Saïd Hilmi pour nous parler de l’état des lieux du théâtre, ainsi que du quotidien des artistes.

Liberté : M. Saïd Hilmi, quelle est la situation actuelle du théâtre en Algérie ?

Saïd Hilmi


Saïd Hilmi : Eh bien, je crois qu’il est constaté par vous-même, étant donné que le journaliste est le miroir du peuple, que nos sommes en présence d’une situation de fait et d’un constat réel, mais ce que je rejette en bloc, c’est lorsqu’on dit qu’il n’y a pas de productions et d’artistes. Je dis qu’il y a des postes à compétence et non à récompense. Je vous cite un exemple : M. Sid-Ahmed Aggoumi, en venant au théâtre, a incontestablement apporté un plus, car qui dit Aggoumi, est égal à un métier. Impossible donc de s’égarer dans des discussions stériles. Sid-Ahmed Aggoumi est venu rajouter son nom au théâtre, il n’est pas venu profiter du théâtre pour se faire une renommée.

Ne croyez-vous pas que le théâtre algérien a quelque peu perdu de son aura ?
Dernièrement, j’ai lu un article dans un quotidien, mais avant je préfère vous retourner la question. Imaginez que vous faisiez partie d’un public, que vous avez l’unanimité de la presse arabophone et francophone, alors je dirais tout simplement que c’est un cas. Quel honneur de suivre ces articles, car sans les journalistes, moi, je n’existe pas. Lorsque je dis “je”, je rajoute un “s” entre les guillemets. Et la suite ? Nous sommes toujours livrés, mon équipe et moi, à aller mendier un espace, que l’on nous refuse même s’il est fermé. Donc, il y a péril en la demeure. J’aime bien la presse, mais dès qu’elle nous porte aux nues, on se fait des ennemis. Je vous fais une confidence, j’aimerai jouer Gataâ ouarmi, ma dernière production ; on me le demande mais où ? Sauf si on nous permet de la jouer à la place des Martyrs à Alger, moi, je suis prêt à le faire, que l’on m’offre cette possibilité. Le public n’a pas perdu, il faut aller vers le public.

Quand Mme la ministre de la Culture a mis à notre disposition un ingénieur en éclairage pour les besoins de la pièce de théâtre, nous avons ainsi pu nous déplacer dans l’Algérie profonde, Tébessa, Annaba, Ouenza, Oum El-Bouaghi. Quel public ! Il ne faut plus dire que le public algérien n’aime pas le théâtre. Il y a eu Mustapha Kateb, Abdelhalim Raïs qui ont propulsé le théâtre à son apogée. Je suis heureux d’être ici à Koléa pour fêter cet événement, sans oublier ceux qui sont morts, car plus fort que la mort c’est l’oubli. Au nom des gens qui veulent produire, sachez que je n’ai pas de budget, que je n’ai bénéficié d’aucune aide pour la création. J’ai mes compagnons qui ne me demandent pas de l’argent, mais ils veulent tout simplement avoir leur salaire, comme n’importe quel travailleur qui vit de son labeur. Est-ce trop demander à votre avis ? Mas, je pense qu’il y a une limite à tout, car il m’est impossible de tenir avec la seule ferveur du théâtre..

Le théâtre en particulier et la culture en général traversent une période très difficile. Quel le est selon vous l’issue qui permettrait une sortie de crise ?
Je dis et vous le redis, si j’étais votre meilleur ami, vous ne ferez pas de moi un journaliste ni un rédacteur et, moi, je ne ferais pas de vous ni un comédien ni un directeur de théâtre, malgré mon amitié pour vous. Il faut séparer misérabilisme, socialisme, amitié et compétence.

Il est connu, de notoriété publique, que la situation de l’artiste est des plus précaires, compte tenu qu’il ne bénéficie d’aucun statut à même de régler sa situation sociale et professionnelle ?
Je vais vous parler d’un dossier que j’ai moi-même géré avec la Protection sociale pour ce qui est de l’artiste cachetier. J’ai contacté toutes les caisses d’assurances et de vieillesse, en présence des cadres du ministère de tutelle. J’ai dû lutter sur tous les fronts pour obtenir gain de cause afin que l’artiste soit pris en charge socialement. J’ai eu les larmes aux yeux. Mais, qu’est devenu ce dossier ? Entre-temps, le ministre a changé, le secrétaire général a changé, le chef du personnel muté. C’est un défi que je lance aux autorités : ce dossier existe bel et bien, alors qu’on nous dise où il est. Avant la restructuration du secteur des assurances maladie et des retraites, quel sera le devenir des artistes qui ont travaillé de 1962 à 1985 ? Qui a procédé à l’époque aux prélèvement des cotisations, lorsqu’on sait qu’un organisme étatique doit respecter le code du travail. Par ailleurs, c’est à l’employeur de choisir le lieu de travail et les horaires inhérents à l’activité professionnelle. Donc, c’est lui qui garantit la couverture sociale du travailleur. Beaucoup de personnes croient naïvement que les artistes sont de gais lurons et que, par conséquent, ils ne suivent pas les importantes mutations politiques, économiques et sociales du pays. On n’est pas seulement l’intermédiaire des personnages publics, nous sommes également concernés par les sujets que nous traitons, même si nous faisons de l’adaptation, car il y a un intérêt quelque part de cette pièce à adapter.

Quel est votre prochaine création ?
Gataâ ouarmi, je ne la jette pas, je continuerai à la jouer contre vents et marées.

Entretien réalisé par Akli Nacera, liberte-algerie.com