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Entretien avec George Lucas

lundi 16 mai 2005, par nassim

Moment historique et grand moment de cinéma. Vingt-huit ans après La Guerre des étoiles (maintenant titré Star Wars EpisodeIV : un nouvel espoir), George Lucas a présenté hier à Cannes, hors compétition, l’ultime volet de sa mythique saga : Star Wars EpisodeIII : La Revanche des Sith.

George Lucas

L’épisode le plus sombre et le plus romanesque qui dévoile comment et pourquoi le jeune chevalier Jedi, Anakin Skywalker (Hayden Christensen) a sombré du côté obscur de la Force en devenant Dark Vador. Batailles galactiques, combats spectaculaires au sabre-laser, surenchère d’effets spéciaux, mais avant tout force de la tragédie. « Ce qui m’a conduit à réaliser les EpisodesI, II et III, c’était la nécessité d’approfondir la personnalité d’Anakin, de la lumière aux ténèbres », confie le scénariste, producteur et réalisateur. Rencontre avec un créateur de légende et maître multimilliardaire d’un véritable empire.

LE FIGARO. - En des temps reculés, sur une lointaine, très lointaine galaxie, lorsque vous avez conçu en 1977 La Guerre des étoiles, aviez-vous déjà l’idée de réaliser une grande saga en six chapitres ?
George LUCAS. - A la fois oui et non ! Originellement, je n’avais écrit qu’une histoire, L’Episode IV, comme un film pour une séance du samedi après-midi. On ne savait pas ce qui se déroulait avant ou après. Mais mon récit était d’une telle ampleur et surtout mon budget de trois millions de dollars, si mince, que j’ai découpé mon histoire en trois actes et donc en trois films : La Guerre des étoiles, L’Empire contre-attaque et Le Retour du Jedi. Pour les nourrir, j’ai dû inventer un passé à mes personnages, développer l’histoire politique, sociale de l’empire et de la démocratie. Lorsque j’ai enfin achevé cette trilogie, après dix années de travail, je me suis senti frustré.

Pourquoi ?
Il y avait un élément que je n’avais pas suffisamment exploré. Le thème fondateur de La Guerre des étoiles était avant tout la tragédie de Dark Vador. Il n’est pas un monstre ou encore l’icône du mal comme on pouvait l’imaginer, mais un père qui trouve la rédemption en sauvant son fils. Vador-Anakin finira par rétablir la Force et par détruire l’Empereur, conformément à l’ancienne prophétie... La Menace Fantôme et L’Attaque des clones m’ont permis de remonter à la jeunesse d’Anakin et d’approfondir sa personnalité qui m’a toujours intéressé. Dans La Revanche des Sith, je livre les clés, j’explique pour quelles raisons il a choisi le côté obscur de la force. Héros faustien, il a signé un pacte avec le diable, par amour. Comme dans la mythologie, il a voulu traverser le Styx pour ramener à la vie celle qu’il aime. C’est la nouvelle génération, celle de Luke et Leia, les enfants d’Anakin, qui rachètera les fautes du passé.

Thème déjà amorcé dans Episode II, l’Attaque des Clones, vous montrez ici, de façon plus noire encore, comment une démocratie devient une dictature. Les dangers de notre société actuelle ?
La démocratie est toujours en danger. Je suis un passionné d’histoire. Dès le début de la saga, il y a vingt-huit ans, je me suis demandé comment et pourquoi les hommes abandonnent si facilement la démocratie. Le Sénat a assassiné César et donné le pouvoir à son neveu. La Révolution française s’est débarrassée de Louis XVI, et Napoléon est devenu empereur. J’ai écrit La Guerre des étoiles à l’époque de Richard Nixon et de la guerre du Vietnam... L’histoire se répète. Et c’est encore plus flagrant aujourd’hui aux États-Unis. Les gens ne se rendent pas compte qu’ils sont de moins en moins libres, que l’Empire gagne du terrain...

Êtes-vous contre la politique de Bush ?
Je ne peux pas dire une chose pareille ! Je vis en Californie. Et la Californie est un autre pays (rires).

On dit que vous avez éprouvé un énorme plaisir à réaliser cet ultime épisode. Pourquoi alors n’en n’avoir signé que quatre sur les six ?
A partir du succès de Star Wars, épisode IV, j’ai pu devenir indépendant et ne plus avoir à traiter avec les studios hollywoodiens même si personne ne m’a jamais dicté ma conduite ! J’ai commencé à produire les films des autres - aussi bien ceux de Coppola que ceux de Spielberg. Mais je n’avais plus suffisamment le temps pour réaliser L’Empire contre-attaque de Irvin Kershner ou Le Retour du Jedi de Richard Marquand, même si j’en avais écrit les scénarios, fait le casting, supervisé le montage... Mais j’avais la liberté de m’occuper de mes autres compagnies du Skywalker Ranch, Industrial Light and Magic pour les effets spéciaux ainsi que les autres structures spécialisées dans la prise de vues, le montage, le son numérique. Je n’ai eu de cesse de développer les recherches sur la technologie digitale afin que mes films reviennent moins chers. L’indépendance est à ce prix-là !

Les innovations récentes ?
L’Attaque des clones a été la première grande production cinématographique à utiliser exclusivement la caméra vidéo numérique à haute définition. Nous avons poursuivi dans cette voie avec La Revanche des Sith en introduisant une nouvelle technologie d’enregistrement sur caméra HD, la « 444 » qui bénéficie d’une résolution supérieure. J’essaye sans cesse de faire évoluer mon art.

Vous n’avez réalisé que six longs-métrages. Votre saga mythique a-t-elle tué votre carrière de cinéaste ? Star Wars, bonheur ou malédiction ?
Encore une fois j’aime produire les films. J’ai écrit et produit les Indiana Jones de Spielberg, mon ami de toujours. Je suis d’ailleurs en train d’écrire ses nouvelles aventures. Et puis, comme je suis paresseux, être producteur me permet de ne pas avoir à me lever à cinq heures du matin !

La Revanche des Sith est-il réellement le dernier épisode ?
Promis, juré ! Anakin-Dark Vador est mort. Il n’y a plus d’histoire à raconter. Mais nous allons quand même réaliser des séries télé autour de Star Wars ainsi que des dessins animés.

Vous êtes impossible !
(rires) Nous ne développons que des personnages mineurs de la saga !

Votre vie après Star Wars ?
Me lancer dans des films expérimentaux comme THX 1138, mon premier long-métrage réalisé en 1971.

Au fait, même grimé en diplomate extraterrestre, je vous ai reconnu dans La Revanche des Sith...
(rires) Mes trois enfants m’ont forcé à jouer avec eux dans cette scène.

Propos recueillis par Emmanuèle Frois, lefigaro.fr

Star Wars Episode III, La Revanche des Sith, de George Lucas (États-Unis), sortie en salle le 18 mai.