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Djoher Sadi : Une femme courage

mercredi 7 avril 2004, par Hassiba

On dit souvent que derrière un grand homme, il y a toujours une femme. Si cela est valable pour le couple Djoher et Saïd Sadi, ce n’est pas sans une nuance de taille.

Car c’est côte à côte que Djoher et Saïd se battent depuis bientôt 27 ans pour l’idéal qu’ils partagent : une Algérie forte, multiple et démocratique. « C’est de sa force qu’il puise la sienne », raconte d’eux une militante du RCD, une compagne de longue haleine.

Et c’est à peine croyable que ce petit brin de femme puisse receler autant de force, tant Djoher semble timide et effacée. Revenue de la campagne électorale qu’elle a menée aux côtés de son mari, candidat à la présidentielle du 8 avril en tant que militante du RCD, elle nous accorde quelques minutes pour se remémorer les souvenirs douloureux de leur lutte commune.

« J’ai rencontré Saïd à l’Université, nous étions tous les deux engagés dans le combat culturel berbère », se rappelle madame Sadi. « Lorsque je l’ai épousé en 1977, je savais très bien qui il était et ce qu’il faisait, c’était mon choix. » Un choix qui vaudra pourtant à la jeune femme bien des soubresauts. Licenciée en histoire, Djoher ne pourra jamais obtenir un poste d’enseignante. « On m’en a empêchée de crainte de dévier l’histoire officielle », raconte-t-elle avec une pointe d’amertume. Elle sera archiviste à l’Office national des archives jusqu’en 1993 avant de quitter son poste après avoir assisté à l’assassinat d’un policier devant le portail de l’établissement.

Si la période du terrorisme a été difficile pour les Sadi, leurs ennuis ont pourtant commencé bien avant cette époque-là. Harcelé par la sécurité militaire sous le règne de Chadli, le couple traverse une véritable période de vaches maigres. « Ce n’était pas facile d’être madame Sadi à cette époque », enchaîne Djoher, qui a énormément souffert des persécutions incessantes de la sécurité militaire contre son mari qui activait à cette époque dans la clandestinité en tant que militant du FFS.

Lorsqu’elle évoque la première arrestation de Saïd Sadi en 1980, Djoher a les larmes aux yeux. « J’ai vécu cet événement comme un véritable drame », lâche -t-elle avec émotion. « Je voyais mon mari disparaître pour au moins 20 ans, je me disais que mon fils aura 22 ans lorsqu’il reverra son père », confie-t-elle encore. Malgré la détresse, l’angoisse et l’incompréhension de l’entourage, de la famille face au combat « suicidaire » de Saïd, Djoher ne doutera pourtant jamais de la justesse de cette cause. Elle subissait les événements avec stoïsme et force de caractère, « peut-être parce que j’avais une mère qui a participé à la Révolution », explique-t-elle. Peut-être aussi parce que Saïd lui-même demeurait imperturbable dans ces moments difficile.

« Sa sérénité me donnais de la force et du courage », affirme Djoher. Madame Sadi confie alors son fils en bas âge à sa mère et se lance dans le combat pour la libération de son mari en activant dans les commissions des détenus. « Les gens étais terrorisés, lorsqu’il me rencontraient, ils changeaient de trottoir, mais je ne leur en veux pas. » Le plus dure fut cependant de préserver les enfants. A l’époque où Saïd Sadi est emprisonné pour la deuxième fois en 1985, la cadette des Sadi avait cinq ans et avait très mal pris l’incarcération de son père, « il fallait lui expliquer que son père n’était pas en prison, parce que qu’il avait fait du mal », confie Djoher avant de poursuivre : « Lorsque nous allions lui rendre visite à la prison, je disais à la petite que son père était là pour soigner les prisonniers. » Aujourd’hui, Djoher revisite ces souvenirs comme un mauvais film.

Elle travaille aujourd’hui dans une boîte de communication, s’occupe de son mari et de ses quatre enfants, et participe activement à la vie du parti. Etre première dame d’Algérie ? Djoher y pense sereinement comme son mari et comme des milliers d’Algériens qui soutiennent Saïd Sadi. « Je ne voudrais pas de la responsabilité politique. Mais je voudrais bien activer dans le domaine associatif, aider les gens en détresse et engager un vaste mouvement de solidarité national », souhaite Djoher Sadi qui estime que le sacrifice ne doit jamais être oublié mais qu’il ne faut surtout pas qu’il laisse de la rancœur.

« Le combat, c’est d’abord l’espoir, tant de femmes l’ont déjà prouvé dans leur pays. »

Monia Zergane, elwatan.com