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Crédits à la consommation : l’épée de Damoclès

mercredi 12 janvier 2005, par Hassiba

Avec les crédits à la consommation, l’Algérien a enfin accès au « luxe » qui désigne, en fait, le nécessaire à la vie d’un ménage.

Entre véhicule particulier, articles électroménagers, logement, mobilier, c’est l’embarras du choix. Choix qui s’avère après coup être une expérience douloureuse, au vu des dépenses qu’il croyait minimes et qui, additionnées les unes aux autres, se transforment en dettes à surmonter mensuellement. Malgré les économies faites en marge des frais occasionnés lorsque les charges locatives ne viennent pas s’en mêler. Un premier souci d’où il n’y a pas d’échappatoire possible.

De plain-pied dans la société de consommation
Ainsi, depuis l’ouverture de ces crédits, le consommateur algérien qui enviait il n’y a pas longtemps à l’Européen son mode de consommation lui permettant des facilités, des réductions sur des produits inaccessibles « en temps normal », au vu de leurs tarifs, le pratique aujourd’hui à ses dépens. Car, passé l’euphorie du moment avec les tentations de tout acheter, alléchés par les prix, les facilitations, les appels d’offres de réduction, les occasions de spécial-fêtes, on se met devant l’évidence d’un emprunt qui ne peut attendre une échéance quelconque pour être remboursé.

Un vrai piège à rat dans lequel le consommateur est fait et bien fait. Impossible, ensuite, de s’en défaire, vu le cumul de ces arrangements financiers avec les banques, les concessionnaires, grandes surfaces et quelques magasins qui pratiquent cette formule de vente par facilités. Il y en a même parmi eux qui, pour encourager cette proposition, font un rabais sur le dernier paiement à condition que le client soit un bon payeur. C’est-à-dire de façon régulière à la date précise indiquée dans « le contrat » qui lie les deux parties. Quoique précédemment, dans la paperasse demandée, il est exigé un seuil certain de revenus, vérifié sur des fiches de paie à fournir jointes à d’autres pièces pour la constitution du dossier demandé. D’autre part, il est mentionné qu’en cas d’irrégularités, le client est passible d’une sanction sous forme d’amende, extraite, directement parfois, du compte ouvert à cette même banque.

Mauvaises expériences
Pourtant, il y a eu dans les années 1990 l’expérience de la centrale d’achat située à la foire (SAFEX) qui a proposé à l’achat par facilités des articles électroménagers. En dernier recours, devant le non-paiement des redevances, l’entreprise a dû ester en justice du coup et les mauvais et les bons payeurs devant le cumul de chèques en bois, formule sur laquelle il était entendu comme mode de versement. Puisque le client devait fournir pour l’enlèvement du produit 12 chèques sur l’année, avec un prélèvement chaque mois. Alors que la situation perdurait au fil des mois sans que l’entreprise réagisse, jusqu’à la réaction finale en un seul tas. Une mauvaise expérience qui ne s’est pas renouvelée depuis.

La seule formule qui est restée est celle des œuvres sociales pour aider les ménages, qui consistait en un achat groupé auprès d’une entreprise, ENIEM, ENIE entre autres, avec une réduction sensible à l’époque où des articles électroménagers étaient rares, se vendaient sous le manteau et à un prix fort ou le double en deuxième main. Le social était le seul recours dans les sociétés où il activait bien. Et, là aussi, le trafic était légion. Puisque ceux qui y avaient accès en profitaient pour en acheter pour une tierce personne (famille, amis ou autres) parfois avec des dividendes ou carrément revendus au prix du marché, sinon plus chers, devant la forte demande liée à l’octroi, entre autres, des machines à laver Ariston, les téléviseurs CT1 et CT2 (couleur) ou le réfrigérateur ENIEM... Un premier pas dans la facilité de l’achat qui n’a pas duré longtemps, à l’époque où des queues interminables se formaient devant les grandes surfaces pou l’acquisition de ces articles qui aujourd’hui sont toujours cédés au prix fort, d’où d’ailleurs ces formules de crédits contractés pour tout, même pour un téléphone fixe ! Elle est venue cette époque que l’on appréhendait, où le consommateur trouve de tout sur le marché mais c’est à qui a de l’argent. « Toi et ta bourse ! » Le même traquenard déguisé des années où il n’y avait rien à un prix accessible. On n’est pas, en fait, sorti de l’auberge !

La ruée sur les crédits, mais...
Et ces dernières années, c’est la ruée vers le mobilier, l’électroménager, le véhicule, le logement... Des prêts sont contractés auprès des banques ou autres concessionnaires, remboursables sur plusieurs années, de 1 à 20 ans ! De quoi « tenter le diable ! » Et, en fin de parcours, l’endettement prend à la gorge. Quand arrive la paye, de fait, les soustractions et les divisions se font entre la voiture à payer : 15 000 dinars, le logement AADL à honorer : 8 000 DA, les 50% restants de la machine à laver à rembourser sur une échéance de quelques mois, le chauffage, l’ordinateur des enfants, près de 2 000 DA mensuellement, le téléphone Alcatel à régler... le portable à charger régulièrement... et puis la crèche des enfants qu’il ne faut pas oublier de payer. La somme totale frôle plus de 30 000 dinars de dettes mensuelles ! Un salaire ! Et comme généralement, on travaille à deux, l’autre salaire sert au budget familial entre règlement des charges locatives, le téléphone et l’alimentation. C’est tout juste. Et quand on se retrouve pris de court par les frais engagés par le crédit, c’est l’engrenage garanti. Il y en a même qui frôlent la dépression et essayent d’écouler l’article à qui peut payer pour s’en sortir. Sinon, ils abandonnent en perdant les dépenses faites au préalable. D’autant que la crainte de perdre son travail est omniprésente par les temps qui courent à la pensée des remboursements qui restent à honorer !

Chez le commerçant du coin, en ce qui concerne le mobilier ou l’article ménager, il est rare qu’un contrat soit passé pour s’assurer du remboursement de la marchandise. Même si, dans leurs témoignages, ils ont pratiqué à leurs dépens leurs initiatives. Ils racontent que plusieurs clients ont payé les 50% exigés au départ, puis se sont évaporés dans la nature, ayant revendu l’article plus cher au marché, pour gagner quelques billets en plus. Ces commerçants disent refuser d’en arriver à la justice. Ils se disent perdants devant ce qui les attend comme frais auprès de la justice...

Et renversement de la vapeur, le consommateur, averti par tant de tracasseries, surtout lorsque le service après-vente n’est pas offert et la garantie d’une année juste une publicité mensongère, fait dans le regret. Du moment qu’il est aujourd’hui un souci de plus, aux tracasseries quotidiennes suffisamment prenantes pour qu’on n’en rajoute pas. Pris dans l’étau qui lui fait dire que la voiture rend service et que ce n’est pas un luxe, mais plutôt une nécessité. Mais devant cette supercherie, il est dur de se voir traqué par les dettes devant la difficulté de voir le bout du tunnel. Du coup, beaucoup reviennent au traditionnel paiement cash, en économisant. Un autre sacrifice mais bien loin de valoir celui qui fait des redevances une épée de Damoclès au-dessus de la tête.

Par Saliha Aouès, La Tribune