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Conversion dans le giron de Sidi Mansour

lundi 23 août 2004, par Hassiba

Didier, informaticien habitant Paris, est venu de France le 20 août dernier pour se convertir à l’islam. La cérémonie s’est déroulée à la zaouïa de Sidi Mansour, en Kabylie, commune de Timizart.

La route qui mène vers Azzeffoun est parsemée de bifurcations. Celle qu’empruntent souvent les aoûtiens en route pour la plage, à trente kilomètres du village balnéaire, débouche sur la petite commune de Timizart. C’est là, au milieu d’habitations vieillottes et de nouvelles constructions qui se querellent l’espace, entourée de tombes anonymes que la zaouïa de Sidi Mansour, s’étendant sur plus de 70 hectares et vieille de quelque quatre siècles, pointe haut son minaret vers le ciel. La zaouïa, qui accueille à l’occasion des grandes “zerdas” ponctuelles jusqu’à vingt mille “pèlerins”, s’apprête à vivre en ce vendredi 20 août 2004 un petit “évènement” local, après le grand festin de la veille qui a vu défiler une centaine de jeunes candidats à la circoncision sur le “billard”.

Le petit évènement porte un nom : Didier, quadragénaire français, résidant à Paris, et informaticien de son état. Une heure avant le début de la grande prière du vendredi, flanqué d’un cadre de la direction des affaires religieuses de la wilaya de Tizi Ouzou, surgit sur l’esplanade de la zaouïa ce bonhomme dodu, au teint fleuri et aux cheveux poivre et sel.

Il est reçu par un comité d’accueil conduit par El-Hadj Akli Bouâche, secrétaire général de l’association religieuse qui gère les affaires de la zaouïa. Commence alors une visite guidée, en introduction à la cérémonie de conversion, à travers les différentes ailes de l’établissement religieux. Après la visite du mausolée, les cuisines, les “appartements” des talabas (étudiants) où sont accueillis quelque 120 locataires par an, venus des différentes régions du pays pour apprendre le Saint-Coran, terminus à la bibliothèque de la zaouïa, point de départ du processus de “métamorphose” pour Didier.

“L’islam me plaît”
Né chrétien catholique, baptisé de surcroît, Didier focalise l’attention pour cette raison que son cas va à l’encontre des commentaires et spéculations ambiantes sur l’évangélisation de la Kabylie.

De plus, avec les innombrables amalgames dans lesquels est noyée la religion de Mohamed (qssl), en cette bien triste ère de terrorisme internationale, on se demande ce qui pourrait bien pousser quelqu’un à troquer sa croix contre un croissant tant et tant de fois éclaboussé.
Autour d’une collation improvisée, Didier est d’abord assené de questions par quelques fidèles de Sidi Mansour : “Pourquoi avez-vous décidé d’embrasser l’islam ?” ; “Comment avez-vous connu la religion ?” ; “Avec tout ce qui se dit actuellement sur l’islam...” Placide et concis, Didier réplique : “J’avais déjà beaucoup entendu parler de votre religion. J’ai connu beaucoup de familles pratiquantes en France. C’est une religion qui me plaît.” Voilà tout. Après un plantureux repas “brise-glace”, qui permit de discuter à bâtons rompus avec l’hôte parisien, celui-ci sollicite, sur un ton quelque peu affecté, une petite faveur : un court moment de “relâche”, histoire de gérer le traque d’avant la transition mystique. Encadré par l’employé de la direction des affaires religieuses de la wilaya de Tizi Ouzou, il enfile nerveusement un qamis et une âraqiya.
Le temps de prendre une photo souvenir et le voilà sur le chemin des sanitaires pour accomplir ses premières ablutions selon le rite musulman. Le rituel est noyé dans la rumeur du prêche hebdomadaire, distillé par un imam tout jeune (25 ans) du nom de Hamrani L’yazid, rappelant aux fidèles qu’il est temps de presser le pas, la prière va bientôt commencer.

Direction la mosquée où le petit cortège vient se fondre dans la foule anonyme écoutant, tous radars dehors, le sermon du vénérable cheikh Lounis Mehala, chargé de donner la deuxième “khotba” de la “djoumouaâ” (prêche du vendredi).
À l’entame de la prière, Didier est invité à occuper la place de l’imam pour prendre la communauté à témoin de son entrée dans l’islam. Dans un silence religieux, Didier déclare sa nouvelle “profession de foi”.
Il s’agit d’une phrase toute simple, séculaire et dénuée de tout verbiage superflu : “Achhadou an la ilaha illa Allah, oua achahdou anna Mohammden rasoulou Allah.” Cheikh Lounis trouve, lui aussi, les mots justes pour accueillir la solennelle proclamation publique. “Vous étiez notre frère dans l’humanité. Aujourd’hui, vous êtes notre frère dans la nation de l’islam.” Didier est ensuite sorti de la mosquée de la zaouïa de Sidi Mansour avec un tout nouveau prénom : Didier-Mohamed.

Le cas Didier n’est pas isolé
À en croire ce cadre de la direction des affaires religieuses de la wilaya de Tizi Ouzou, qui a requis l’anonymat, le cas Didier n’est pas isolé. “Dans la wilaya de Tizi Ouzou, il y a un converti presque chaque semaine”, dit-il tout sourire. Ils viennent d’un peu partout, spécialement en Kabylie, “valider” leur entrée dans l’islam auprès de l’administration locale. Cet employé se charge de les accompagner dans leurs voyages initiatiques.
Administrativement mais anime aussi à leur endroit des “séances d’information” autour des préceptes de la religion. D., c’est ainsi que nous l’appellerons, fait des allers et retours réguliers à Alger pour déposer des dossiers de demandes de conversion à la religion musulmane. La procédure peut prendre jusqu’à six mois.

“Quand je monte à Hydra (où se trouve le siège du ministère des Affaires religieuses), ils sont étonnés par le nombre de dossiers que je leur ramène. Ils se demande comment je fais”, dit-il espiègle. “Il n’y a pas si longtemps, on a eu une Portugaise et un Gabonais convertis, et, très prochainement, une Espagnole et une Portugaise sont attendus.” Didier a lui aussi pris attache avec D. et effectué plusieurs allers et retours à la direction des affaires religieuses de Tizi Ouzou. Au postulant sera, en fin de parcours, remise une attestation de conversion dûment estampillée par le ministère des Affaires religieuses, et son nom sera porté sur l’état civil algérien avec un prénom musulman en supplément (pour Didier, ce sera Mohamed).
Cela lui ouvre également droit au mariage selon le droit algérien, ainsi qu’à la nationalité algérienne.

Par Djamel Belayachi, Liberté