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Boukrouh a finalisé le dossier de l’adhésion de l’Algérie à l’OMC

vendredi 4 mars 2005, par Stanislas

Le processus d’adhésion de l’Algérie à l’Organisation mondiale du commerce (OMC), a été finalisé vendredi 25 février à Genève par le ministre du Commerce, Noureddine Boukrouh, et le groupe des vingt-deux pays négociateurs.

Le huitième round des négociations dans le siège de l’Organisation mondiale du commerce a été intense et riche en événements. Pour la première fois depuis l’ouverture des négociations en 1987, un ministre est accompagné de huit présidents du patronat, des représentants de la société civile et des membres de l’UGTA pour « vivre en direct le 8e round des négociations » dans la transparence la plus totale, a déclaré le ministre Boukrouh à La Nouvelle République.

Il est vrai que l’accession de l’Algérie à l’OMC peut être comparée à un emmental. Le fromage est bien réel, mais il contient des trous représentant de nombreux obstacles. Reprenons. L’Algérie a déposé une demande d’adhésion au GATT (devenu OMC en 1995) en 1987. Celle-ci doit être agréée par l’ensemble des membres. Les négociations ont lieu à deux niveaux, bilatéral et multilatéral, où les pays tentent d’obtenir l’ouverture du marché algérien pour les biens et les services, selon les intérêts.

Les réticences américaines levées

Contrairement à certains pays, l’Union européenne a déjà donné son feu vert. La Suisse, membre très active et influent au sein du groupe des 22 pays, a donné un formidable « coup de puce » à l’Algérie, nous dira M. Boukrouh. De même, les Etats-Unis, qui étaient réticents au début des négociations, ont finalement décidé d’apporter leur soutien officiel qui s’est matérialisé par des aides techniques et financières, mais aussi législatives. En effet, les partenaires de l’Algérie dans le groupe de travail de l’OMC n’ont cessé, lors du précédent round de négociations, de mettre en avant l’impératif d’une législation plus cohérente et surtout « transparente ». Cette exigence tend à redonner une cohérence et une efficacité à la législation algérienne complète certes, mais manquant de lisibilité et de cohérence. Cette problématique transparaît clairement dans la lecture et l’observation du dispositif d’encadrement du commerce extérieur qui se caractérise par l’absence d’une loi-cadre malgré l’existence de textes relatifs au tarif douanier, au code des douanes, à l’investissement, au change... Ainsi, l’encadrement du commerce est assuré à travers un arsenal de textes législatifs spécifiques fondé pour l’essentiel sur la liberté du commerce.

Selon le ministre algérien du Commerce, « l’Algérie a montré sa bonne volonté et a parcouru un long et difficile chemin à ce jour. On peut parler de dernière ligne droite, de dernière étape, voire du dernier tour de piste », mais il reste des compromis à faire avec les 22 pays négociateurs. M. Boukrouh a tenu à nous préciser que l’Algérie est arrivée à « conclure des accords, mais pas à 100% » sur les offres tarifaires. Même si l’Algérie devait encore négocier des accords bilatéraux au 9e et dernier round avec ses autres principaux partenaires commerciaux, la plupart des observateurs et dirigeants de l’OMC que nous avons interrogés croyaient à une entrée de l’Algérie dans l’OMC pour la fin de l’année. Ce sentiment reposait sur la conviction que l’Algérie avait fait des progrès énormes et des concessions majeures. Pour ce qui est des négociations multilatérales, elles sont terminées, nous a affirmé le ministre. Concernant les biens industriels, l’Algérie s’est engagée à abaisser la moyenne de ses droits de douane. Ces baisses sont accompagnées de l’élimination, généralement dès l’entrée de l’Algérie dans l’OMC, des restrictions quantitatives, comme les quotas à l’importation dans l’automobile, dans l’équipement médical ou la construction. La libéralisation algérienne aura donc un effet considérable sur toute la production industrielle du pays.

La baisse des droits de douane des produits agricoles est moindre. Mais le futur niveau de protection est faible, comparé à celui des pays industrialisés.
Le ministre nous a confirmé qu’« il y aura toujours une agriculture algérienne. La question est de savoir jusqu’à quand nous pourrons la soutenir avec intensité ». Enfin, le volet de la libéralisation des services est, lui aussi, impressionnant : possibilité pour les firmes étrangères de posséder des circuits de distribution et de distribuer des produits faits hors Algérie, ouverture des marchés de la téléphonie mobile, des services financiers, juridiques et comptables à la concurrence étrangère dans des délais raisonnables, ouverture partielle du capital des entreprises algériennes aux investisseurs étrangers...

L’ouverture de l’audiovisuel n’est pas un obstacle

A propos du refus algérien d’ouvrir le secteur de l’audiovisuel, « ce dossier ne constitue pas un obstacle majeur à l’adhésion de l’Algérie à l’OMC », n’hésite pas à nous affirmer un diplomate. En ce qui concerne la protection de la propriété intellectuelle, l’Algérie est en phase avec les règlements du commerce international de l’OMC. Au ministère algérien du Commerce, on considère que « l’accélération du processus d’admission à l’OMC devrait induire la mise en œuvre de mesures d’exception à la liberté totale du commerce extérieur. A cet effet, un texte « à caractère universel » a vu le jour, précise-t-on au ministère. « Le principe intangible de la liberté du commerce extérieur, tant à l’importation qu’à l’exportation, tout en précisant les exceptions qui devront être conformes aux engagements internationaux dans le cadre de l’OMC et des autres conventions et accords internationaux conclus ou à conclure », est-il notamment écrit. Selon M. Boukrouh, « l’Algérie est en phase finale des négociations pour son adhésion à l’OMC et le rapport (le dernier) qui sanctionnera ces discussions et sera établi dans les prochaines semaines devra se transformer en accord d’accession ». D’après nos informations, ce rapport sera prêt en été pour être présenté à la conférence générale et au conseil des ministres de l’OMC. Sous l’« impulsion » du président Bouteflika, l’Algérie fait le « forcing » pour entrer à l’OMC.

La vision nécessaire pour apprécier les conséquences de l’entrée de l’Algérie à l’OMC est d’ordre politique et économique

La vision politique d’abord : une admission réussie est une condition nécessaire de l’évolution démocratique dans ce pays, donc de la paix en Algérie, en Afrique et dans le monde. La vision économique ensuite. L’Algérie a mis en œuvre un programme de libéralisation considérable pour attirer les investisseurs et les capitaux et créer ainsi des milliers d’emplois, surtout pour les jeunes, mais aussi pour adapter son commerce international et accepter les règles de l’OMC. C’est ce qui fera sa force. La croissance algérienne crée un tout autre contexte : les entreprises algériennes sont potentiellement des acteurs considérables sur les marchés nationaux et peut-être ceux internationaux demain, et le soutien qu’elles peuvent recevoir de leur gouvernement peut être décisif. En choisissant la politique du « ni-ni » (ni planification protectrice ni ouverture libérale aux grands vents de la concurrence), le gouvernement algérien incite les négociateurs occidentaux à revoir au peigne fin les accords existants pour obtenir un maximum de garanties d’ouverture.

L’année 2005 sera une année décisive et charnière pour l’Algérie, mais aussi pour l’OMC dont les négociations battent leur plein à Genève en prévision de la prochaine conférence ministérielle prévue à Hong Kong en décembre 2005 où un accord final sur le cycle de Doha sera conclu et un directeur général désigné.

Par Hocine Eldrup, La Nouvelle République