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Ahmed Ouyahia : 500 millions d’euros quittent l’Algérie annuellement

vendredi 7 mai 2004, par Hassiba

Pas moins de 500 millions d’euros sortent chaque année du pays. Cette révélation a été faite par Ahmed Ouyahia, chef du gouvernement, dans un entretien qu’il accordé à l’hebdomadaire français Le point , du jeudi 29 avril 2004.

Ainsi et contrairement à nos voisins marocains et tunisiens, l’Algérie perd de l’argent à défaut d’en gagner. Ainsi et selon de récentes statistiques, les émigrés marocains rapatrient annuellement pas moins de trois milliards de dollars. Tandis que la diaspora tunisienne, moins importante en nombre que la nôtre, arrive à rapatrier 1,2 milliard de dollars par an. Le montant des transferts d’argent des quatre millions d’Algériens vivant à l’étranger est presque nul.
En une décennie, le montant des rapatriement n’a cessé de baisser pour se stabiliser sous la barre des 200 millions de dollars annuellement. En déclarant dans ce même hebdomadaire vouloir combattre l’économie de rente, Ouyahia sait pertinemment que les euros destinés normalement à être injectés dans le système financier légal par nos ressortissants vivant à l’étranger sont injectés en réalité dans le circuit informel. Pas moins de deux milliards d’euros sont échangés annuellement sur ce marché qui a élu domicile dans les places publiques des grandes villes du pays. Soutenu par des réserves de change dépassant les 35 milliards de dollars, un euro est coté à la vente par la Banque d’Algérie pour 88,85 dinars tandis que sa valeur sur le marché parallèle est de 115 dinars.
Sur le marché financier légal, c’est le dollar qui domine en raison du fait que presque la totalité des exportations du pays sont des hydrocarbures, en monnaie américaine. Et ceci à un moment où 60% des importations de biens et de services proviennent de la zone Euro.
Sur le marché informel, par contre, et en raison, entre autres, de la forte communauté algérienne vivant dans les pays de l’Union européenne, l’euro domine les transactions. Difficile dans ces conditions de mettre un terme à l’existence de deux marchés de change.

Changer les mentalités

Les conséquences de ce dysfonctionnement sont inimaginables. En moyenne annuelle, les importations de services, dit commerce invisible (opérations bancaires, assurances, transport, santé, enseignement et formation, tourisme, transfert d’argent des immigrés , etc.) sont évaluées à 5 milliards de dollars. En contre partie, nos importations dans ce domaine sont de l’ordre de un milliard de dollars. Ce qui représente un déficit de quatre milliards de dollars. Ce qui est énorme. Ce déficit est comblé par l’excédent de la balance commerciale des biens que garantissent les hydrocarbures dans le cas où les prix du baril de pétrole sont élevés. En moyenne, il faudrait six milliards de dollars d’excédent pour non seulement combler ce déficit mais aussi alimenter les réserves de change. Une prouesse qui ne pourrait être réalisée que si le prix moyen du baril de pétrole dépasse les 26 dollars.
Mais est-ce la faute seulement à nos émigrés ? Rien n’est moins sûr. Les opérateurs économiques algériens ainsi que les banques et autres institutions financières n’ont pas développé des produits destinés à notre communauté vivant à l’étranger. Pis encore. Rare sont les intervenants dans le secteur du tourisme qui mènent campagnes à l’étranger pour encourager nos ressortissants à passer leurs vacances dans des infrastructures touristiques digne de ce nom.
La Bourse d’Alger n’arrive pas à sortir de sa torpeur alors qu’elle pourrait être un instrument dynamique pour drainer l’argent de notre expatriés.
Par ailleurs, il ne faudra pas oublier ces Algériens résidant ici et qui ont développé mille et une astuces pour faire fuir des capitaux à l’étranger. Un argent qui sert à faire des affaires en Europe et ailleurs. A titre d’exemple, pas moins de 75 % des ventes immobilières à Paris sont concrétisées par des Algériens et non pas par les Français.
Et selon certaines indiscrétions, les Algériens viennent en tête des acquisitions dans l’immobilier en France.
« Nous voulons combattre l’économie de rente, récupérer l’argent de l’extérieur en créant les conditions de sa rentabilité à l’intérieur. C’est une rupture », conclut Ouyahia sur les colonne de l’hebdomadaire français Le Point. Réussira-t-il son pari dans un pays où un pseudo banquier portant le nom d’Abdelmoumène Khalifa a dilapidé plus de 1,5 milliard de dollars en moins de trois ans ?

Par M. Chermat, La Nouvelle République