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42 ans après l’indépendance, l’Algérie en quête d’identité.

samedi 27 mars 2004, par Hassiba

Cinquante ans après le 1er Novembre 1954, quarante-deux ans après l’indépendance, l’Algérie, comme frappée par le mauvais sort, n’arrive pas à assurer à ses enfants liberté, équilibre, stabilité et développement.

Pendant la période d’occupation étrangère, les historiens liés au mouvement de colonisation ont tout fait pour accréditer la thèse d’une Algérie incapable de se gouverner et de s’administrer par elle-même : « Chaque fois que le pays n’était pas pacifié par une puissance étrangère, il retombait dans le chaos. Les populations sont d’origines et de langues incompatibles et irréductibles, perpétuellement en conflit ouvert ou larvé. »

Toute une idéologie de justification du fait et des comportements coloniaux fut élaborée et appliquée : il s’agit de prendre possession des richesses naturelles, sol et sous-sol, qui étaient en déshérence, les indigènes sont incapables d’exploiter et de gérer un pays aussi riche. Ils doivent être maintenus dans un état d’infériorité et de dépendance totale.

Ils ne peuvent pas recevoir une éducation poussée, mais tout juste de quoi faire de bons serviteurs et de quoi gérer leurs congénères pour le bien des colons. La pauvreté, la maladie réduiront leurs effectifs, l’ignorance et l’emploi de la force aussi brutalement que possible les maintiendront dans l’agenouillement, le tremblement, la peur, le larbinisme. Le fait colonial, de par sa durée, ne pouvait pas être remis en cause, la règle est qu’une occupation de longue durée devient acceptable, est un fait accompli, un fait historique conférant droit inaliénable de propriété. Aucun droit ne pouvait être consenti à l’indigène, ni aucune participation à la gestion de ses affaires : en le poussant aussi loin que possible dans l’obscurantisme, la division, les luttes intestines, en l’affamant, on se garantit la paix et la jouissance sur les richesses du pays. Au besoin, on serait avisé de créer entre les indigènes des rivalités, des problèmes d’origine, de langue, en un mot d’attiser toutes les formes de division possibles.

Cette politique menée par la puissance coloniale pendant un siècle et quart lui a fait oublier une chose : les peuples ne disparaissent pas, certains renaissent des siècles après être sortis de l’histoire. Et c’est quand tous pensaient que l’Algérie était française que survint le coup de tonnerre qui allait ébranler puis faire s’écrouler tout l’édifice colonial, non seulement en Algérie mais pratiquement partout dans le monde. Le peuple algérien allait, en sept années et demie, donner toute la mesure de son génie multiforme et de sa capacité illimitée aux sacrifices. Si ceux qui se sont engagés dans la lutte n’ont jamais douté un seul instant de l’issue victorieuse du combat, tous appréhendaient les lendemains de la victoire, car ils connaissaient pour certains et sentaient confusément pour la majorité que le passif du mouvement national et le passif de la lutte de Libération risquaient d’entraîner de graves déviations.

Les luttes d’influence au sein des organes de direction établis à l’extérieur du pays ont généré des comportements répressifs envers les militants et combattants, de ceux qui s’estimaient être des hommes libres venus de plein gré participer à la libération. Ces comportements avaient les structures d’exécution, elles-mêmes autonomes et échappant à tout contrôle. En attendant, le peuple algérien dans son ensemble avait entamé l’arrogance de l’occupant et par les multiplicités des formes de lutte couronnée par les manifestations populaires généralisées de décembre 1960 arrachait la victoire. Les craintes de beaucoup de combattants, y compris des responsables, sur les lendemains incertains de la libération allaient se vérifier.

Pendant ces sept années et demie, aucune autorité unifiée, incontestable politiquement, moralement et militairement n’avait le pouvoir réel de réguler les incompatibilités et rivalités des hommes et des structures en posant les règles qui devaient limiter le champ d’activité des uns et des autres aux seuls objectifs de la lutte. Le Congrès de la Soummam, qui avait abordé les problèmes de fond et établi une plate-forme pour leur résolution, s’est trouvé vite vidé de son contenu après l’assassinat de Ben M’hidi et Abane.

A l’indépendance, les luttes pour le pouvoir prirent des proportions effrayantes. Personne ne pensait à remettre l’Algérie aux mains de son peuple ou tout au moins lui proposer des voies pour la liberté et le développement. Toutes les bonnes intentions contenues dans les textes fondamentaux de la Révolution devenaient caduques. Certains sont allés même jusqu’à contester l’engagement de tout un peuple dans la lutte. A quarante ans de distance, l’actuel maître du pays ne déclarait-il pas que la lutte a été l’œuvre d’une infime minorité du peuple, ouvrant ainsi le chemin à tous les reniements et à tous les opportunismes sectaires.

Ceux qui avaient pour devise « un seul héros : le peuple » ont été couverts de ridicule, et le slogan lui-même a été sciemment effacé.
(A suivre)

Abdelhamid Djouadi, El Watan