Le second principe ébranlé par la mécanique quantique ?
Par Laurent Sacco, Futura-Sciences
Peut-on violer le second principe de la thermodynamique ? Cette question, lancinante pour l’ordinateur Multivac dans la nouvelle d’Isaac Asimov The last question, a peut-être une réponse positive si l’on en croit des chercheurs de l'Institut Weizmann en Israël. Il suffirait de faire intervenir les formules magiques de la mécanique quantique.
Le second principe de la thermodynamique est l’un des piliers les plus solides de la physique. C’est d’ailleurs sur celui-ci qu’Albert Einstein s’est appuyé pour démontrer l’existence des quanta de lumière et encore grâce à lui que Stephen Hawking a découvert le rayonnement des trous noirs. Ce principe a une conséquence désagréable, comme l'avait bien compris l’un de ses découvreurs, Rudolf Clausius. Appliqué à un système isolé, comme l’est peut-être l’Univers, il conduit celui-ci à la mort thermique, une décrépitude totale et irréversible.
Ce grand principe peut cependant s’énoncer d’une façon étonnamment simple : « la chaleur ne passe pas spontanément d’un corps froid à un corps chaud ». C’est donc un principe d’évolution qui fixe le sens des transformations de la nature. Il ne fait que traduire un ensemble d’observations toutes simples. Ainsi, un glaçon jeté dans un verre d’eau chaude ne se refroidit pas et une tasse brisée ne se recolle pas d’elle-même.
On sait pourtant que dans le monde quantique rien ne se passe comme nous le suggère notre intuition. Les particules se comportent parfois comme des ondes et inversement les murs les plus hauts et les plus épais sont franchissables par effet tunnel. Rien n’y est complètement déterminé, à part l’évolution de lois de probabilités concernant l’observation d’une valeur donnée d’une grandeur physique.
Or, ce sont les lois de la mécanique quantique qui sont en dernier ressort à la base du monde classique où opère le second principe de la thermodynamique. On peut donc légitimement se demander si celui-ci n’est pas qu’une approximation, certes prodigieusement efficace, mais que les lois de la mécanique quantique sont capables de violer quand bon leur semble au niveau atomique.
Jusqu’à présent, ce crime de lèse-second principe n'a jamais été observé. Mais la situation pourrait évoluer après la publication d'une théorie dans Nature par Kurizki Gershon, Noam Erez et Goren Gordon de l’Institut Weizmann, en collaboration avec Mathias Nest de l’Université de Potsdam, en Allemagne.
Ces chercheurs mettent à contribution un effet étonnant en mécanique quantique connu sous le non d’effet Zénon. De quoi s’agit-il ?
En mécanique quantique, l’observateur, qu’il soit un être humain ou un instrument de mesure, joue un rôle fondamental. Selon l’interprétation standard de la théorie quantique, on ne peut parler de l’existence réelle de certains attributs d’un système quantique sans faire intervenir l’acte de mesure pour l’observer. En soi, une particule de matière quantique n’existe pas comme un objet localisé de façon constante dans l’espace et dans le temps. C’est l’interaction avec un système physique classique en un endroit et un temps donnés qui peut l’amener à se manifester comme un objet classique semblable à une boule de billard.
Un système quantique influencé par l'observation
Un système quantique, comme un atome couplé à un champ électromagnétique ou une particule élémentaire couplée aux interactions faibles, peut dans le premier cas se désexciter pour émettre des photons ou, dans le second, d’autres particules, comme des muons et des neutrinos s'il s'agit d'un pion. Le couplage à un champ joue d’une certaine façon le rôle d’une mesure et force le système à évoluer.
L’effet Zénon est un effet inverse où l’observation répétée d’un système quantique par un appareil de mesure bloque son évolution ! Dans les deux exemples précédents, à force de regarder un atome ou un pion pour en détecter les émissions de particules, on les empêche de le faire !
Dans le cas examiné par les quatre chercheurs, on considère un système quantique échangeant de la chaleur avec un réservoir d’énergie. Il se trouve que d’après leurs équations obéissant aux lois de la mécanique quantique, selon la fréquence des observations effectuées pour déterminer si oui ou non il y a échange de chaleur, celui-ci peut effectivement se produire mais dans un sens violant le second principe ! Plus précisément, ce phénomène est une interprétation possible des conséquences de ces équations.
Les chercheurs sont cependant prudents. Après tout, en son temps, Maxwell pensait lui aussi avoir trouvé un moyen de contourner le second principe avec son démon. Les analyses plus profondes de Léo Zsilard montrèrent par la suite qu’il n’en était rien.
Il semble beaucoup plus sûr que le procédé théorisé par les chercheurs devrait permettre de contrôler à volonté des échanges très rapides de chaleur entre des systèmes atomiques et moléculaires, une possibilité qui certainement aura des applications en nanotechnologie.
Rudolf Clausius. Crédit : Yvonne Kristen
Par Laurent Sacco, Futura-Sciences
Peut-on violer le second principe de la thermodynamique ? Cette question, lancinante pour l’ordinateur Multivac dans la nouvelle d’Isaac Asimov The last question, a peut-être une réponse positive si l’on en croit des chercheurs de l'Institut Weizmann en Israël. Il suffirait de faire intervenir les formules magiques de la mécanique quantique.
Le second principe de la thermodynamique est l’un des piliers les plus solides de la physique. C’est d’ailleurs sur celui-ci qu’Albert Einstein s’est appuyé pour démontrer l’existence des quanta de lumière et encore grâce à lui que Stephen Hawking a découvert le rayonnement des trous noirs. Ce principe a une conséquence désagréable, comme l'avait bien compris l’un de ses découvreurs, Rudolf Clausius. Appliqué à un système isolé, comme l’est peut-être l’Univers, il conduit celui-ci à la mort thermique, une décrépitude totale et irréversible.
Ce grand principe peut cependant s’énoncer d’une façon étonnamment simple : « la chaleur ne passe pas spontanément d’un corps froid à un corps chaud ». C’est donc un principe d’évolution qui fixe le sens des transformations de la nature. Il ne fait que traduire un ensemble d’observations toutes simples. Ainsi, un glaçon jeté dans un verre d’eau chaude ne se refroidit pas et une tasse brisée ne se recolle pas d’elle-même.
On sait pourtant que dans le monde quantique rien ne se passe comme nous le suggère notre intuition. Les particules se comportent parfois comme des ondes et inversement les murs les plus hauts et les plus épais sont franchissables par effet tunnel. Rien n’y est complètement déterminé, à part l’évolution de lois de probabilités concernant l’observation d’une valeur donnée d’une grandeur physique.
Or, ce sont les lois de la mécanique quantique qui sont en dernier ressort à la base du monde classique où opère le second principe de la thermodynamique. On peut donc légitimement se demander si celui-ci n’est pas qu’une approximation, certes prodigieusement efficace, mais que les lois de la mécanique quantique sont capables de violer quand bon leur semble au niveau atomique.
Jusqu’à présent, ce crime de lèse-second principe n'a jamais été observé. Mais la situation pourrait évoluer après la publication d'une théorie dans Nature par Kurizki Gershon, Noam Erez et Goren Gordon de l’Institut Weizmann, en collaboration avec Mathias Nest de l’Université de Potsdam, en Allemagne.
Ces chercheurs mettent à contribution un effet étonnant en mécanique quantique connu sous le non d’effet Zénon. De quoi s’agit-il ?
En mécanique quantique, l’observateur, qu’il soit un être humain ou un instrument de mesure, joue un rôle fondamental. Selon l’interprétation standard de la théorie quantique, on ne peut parler de l’existence réelle de certains attributs d’un système quantique sans faire intervenir l’acte de mesure pour l’observer. En soi, une particule de matière quantique n’existe pas comme un objet localisé de façon constante dans l’espace et dans le temps. C’est l’interaction avec un système physique classique en un endroit et un temps donnés qui peut l’amener à se manifester comme un objet classique semblable à une boule de billard.
Un système quantique influencé par l'observation
Un système quantique, comme un atome couplé à un champ électromagnétique ou une particule élémentaire couplée aux interactions faibles, peut dans le premier cas se désexciter pour émettre des photons ou, dans le second, d’autres particules, comme des muons et des neutrinos s'il s'agit d'un pion. Le couplage à un champ joue d’une certaine façon le rôle d’une mesure et force le système à évoluer.
L’effet Zénon est un effet inverse où l’observation répétée d’un système quantique par un appareil de mesure bloque son évolution ! Dans les deux exemples précédents, à force de regarder un atome ou un pion pour en détecter les émissions de particules, on les empêche de le faire !
Dans le cas examiné par les quatre chercheurs, on considère un système quantique échangeant de la chaleur avec un réservoir d’énergie. Il se trouve que d’après leurs équations obéissant aux lois de la mécanique quantique, selon la fréquence des observations effectuées pour déterminer si oui ou non il y a échange de chaleur, celui-ci peut effectivement se produire mais dans un sens violant le second principe ! Plus précisément, ce phénomène est une interprétation possible des conséquences de ces équations.
Les chercheurs sont cependant prudents. Après tout, en son temps, Maxwell pensait lui aussi avoir trouvé un moyen de contourner le second principe avec son démon. Les analyses plus profondes de Léo Zsilard montrèrent par la suite qu’il n’en était rien.
Il semble beaucoup plus sûr que le procédé théorisé par les chercheurs devrait permettre de contrôler à volonté des échanges très rapides de chaleur entre des systèmes atomiques et moléculaires, une possibilité qui certainement aura des applications en nanotechnologie.
Rudolf Clausius. Crédit : Yvonne Kristen
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