Mercredi, 26 Janvier 2005
Stefano Fabei
Histoire :: France
Si l’on excepte la Tunisie jusqu’en mai 1943, la seule communauté arabe avec laquelle le Reich fut en contact immédiat fut celle de France. Les relations entre les Allemands et les nombreux maghrébins résidant dans l’hexagone furent sereins, depuis les premiers moments de l'occupation, et cela permirent le développement d’une collaboration dans le champ politique et militaire.
A partir de 1941, les Allemands publièrent une revue illustrée en Français et en Arabe, al-Dunya-al-Jadida, par l’intermédiaire de laquelle ils diffusèrent leur programme politique. Une autre revue, Lisan al-'Asr, s'adressa à la dizaine de milliers de soldats maghrébins internés dans les camps de prisonniers en tant que membres de l'armée coloniale française. En plus de cela, à Paris, le bureau chargé de la propagande arabe, le Werbestelle für Araber, s'occupa de la publication de plusieurs opuscules de propagande.
Un certain nombre d'arabes étaient affilié aux partis fascistes français et étaient disposés à collaborer à la cause de l'Axe et de l'Allemagne, dirigée par ce « Hadj Guillaume » qui apparaissait à beaucoup d’autres maghrébins comme le garant de la future liberté arabe hors du joug colonial français.
Il convient donc ici de traiter tout particulièrement des hommes appartenant au Parti populaire algérien, le mouvement qui joua le rôle le plus significatif dans l'histoire de l'indépendance de l'Algérie jusqu’au soulèvement de la Toussaint 1954.
Ce Parti, à la veille de la seconde guerre mondiale représentait l'aile la plus déterminée du mouvement nationaliste algérien. C’était une organisation politique minoritaire mais très dynamique, qui selon la police française comptait entre deux mille cinq cents et quatre mille militants en Algérie et environ un millier en métropole. Il était dirigé par trois chefs : Messali Hadj, Amar Imache et Belqasem Radjeff. Le premier fut une figure de pointe du mouvement arabe de libération. Né à Tlemcen en 1898, il adhéra au Parti communiste français en 1925. En 1927, il participa au Congrès anti-impérialiste de Bruxelles, à côté de deux leaders du Tiers Monde destinés à devenir célèbres : le non violent Jawaharlal Nehru et Nguyen Ai Quoc, alias Ho Chi Minh, un communiste comme lui. L'année précédente, il avait créé l'Etoile nord-africaine, le noyau originaire de ce qui deviendra le Parti du peuple algérien. En 1929, il commença à prendre ses distances avec le PCF, à son avis trop peu respectueux du nationalisme algérien. En 1935 poursuivi par la justice française, Messali s'exila à Genève où, devant les commissions compétentes de la SDN, il voulut témoigner en faveur de l'Ethiopie attaquée par l'Italie. Il fit là la connaissance de l'émir Shekib Arslan dont il devint l’ami.
Le second chef du PPA, Amar Imache, déjà secrétaire général de l'Etoile nord-africaine, avant sa dissolution par les autorités françaises, était le contraire de Messali Hadj. C’était un « faucon », violemment anti-français et anti-juif. Durant l'exil genevois de Messali, il assura la direction du mouvement en 1935 et 1936.
Belkacem Radieff, appartenait, lui, à une famille de marabouts de Fort National et il avait milité dans l'extrême gauche française. Le 5 janvier 1937, il participa à Paris à un meeting de l’Etoile nord-africaine – prélude à la constitution l'année après d'un Comité nord africain de solidarité et d'aide aux victimes arabes de Palestine – dans lequel on cria « Vive Amin al-Husayni ! La Palestine aux Palestiniens ! ». Trois semaines après le gouvernement de Léon Blum, préoccupé par la croissance du mouvement de libération algérien, procéda à la liquidation de l’ENA, suscitant chez les militants nationalistes une profonde rancœur qui rapidement se transforma en haine pour cette gauche et ce Front populaire qui après avoir donné tant d'espérances aux peuples colonisés, les trahissait maintenant. Profitant de cette situation, Amar Imache prit le commandement de la frange la plus dure et la plus intransigeante, contestant l’orientation de Messali, qui tentait, de son côté, d'éviter une dérive extrémiste du mouvement. Messali savait bien que le violent « anti-judaïsme » d’Imache était partagé par les cadres et par la base du Parti. Quelque temps après, quand le conflit éclata. Messali reçu en prison la visite du pro-nazi Mohammed al-Maâdi, il refusa d’avoir aucun contact avec l'Axe et de collaborer avec l'Allemagne. Entre temps cependant, d'autres s’étaient précipités pour serrer la main que les Allemands leur tendaient. Un Comité de défense du Maghreb arabe, un Comité des réfugiés politiques de l'Afrique du Nord et un Comité pour la défense de la Tunisie s'étaient ainsi installés à Berlin.
Quelques dirigeants du PPA, qui pressentaient le déclenchement de la guerre, s'étaient par ailleurs occupés, au tout début de 1939, de la création du Comité d'action révolutionnaire nord-africain. En faisait partie : Rashid Amara, 'Abd al-Rahman Yasin, Sherif Bellamin, Mohammed Talebi, 'Omar Hamza, Mahmud 'Abdun, Mohammed Henni, Musa Belkerua, Hadj Shershalli. Désappointés par la gauche française et par le Front populaire, ces cadres de premier plan du nationalisme algérien étaient décidés à commencer dès que possible la lutte contre les forces coloniales présentes en Algérie. Pour se procurer les armes nécessaires ils pensèrent à se tourner vers l'Allemagne. Au printemps 1939, un vieux militant du PPA, 'Abd al-Rahman Yasin, qui en France avait connu, apprécié et fréquenté des agents secrets allemands, favorisa leur rencontre avec les hommes du CARNA. Le 20 juillet 1939, Amara, Talebi, Hamza, Ahmed Flitta et Lakdar, accompagnés par 'Abd al-Rahman Yasin, partirent pour Berlin. Il y furent chaleureusement accueillis et hébergés dans un château. Pendant deux semaines des spécialistes entraînèrent leurs hôtes algériens aux techniques de la guérilla, à la manœuvre des explosifs et au sabotage des installations industrielles. Mais les arabes espéraient aussi des fournitures d'arme, ce qui ne se produisit pas. Les Allemands promirent qu'au moment opportun, il les enverraient, avec des spécialistes en matériel, ajoutant que la guerre avec la France approchait. Peu avant le déclenchement du conflit, les Algériens rentrèrent dans leur patrie avec la promesse que les contacts ne s'interrompraient pas. Avant le départ, il leur fut communiqué qu'ils seraient contactés à Alger dix jours après la déclaration officielle de l'état de guerre entre la France et l'Allemagne.
Informé des contacts des représentants du CARNA avec les allemands, Messali Hadj fit part de sa totale désapprobation et exigea que ceux qui avaient été en Allemagne démissionnent du Parti. Mohammed Taleb, Messaoud Boukadoum, Mohammed Henri (alias Dakki), Musa Belkerrua et d'autres cadres du PPA furent exclu du Comité directeur du PPA. Messali Hadj à peine sorti de prison, chercha à reprendre le contrôle d’un Parti qui tendait à s'éloigner de sa ligne et dans ce but proposa le poste de secrétaire général à Mohammed Abdoun, qui, à la grande surprise de son chef, refusa en déclarant qu’il était d'accord avec les thèses soutenu par le CARNA, et qu'il estimait qu’il fallait chercher le soutien allemand dans la lutte contre la France.
L'effondrement de cette dernière, en juin 1940, sembla confirmer le bien-fondé de l'action entreprise par les dirigeants du CARNA. Celui-ci subit alors un coup dur avec la perte d'un de ses cadres, Mohammed Bouras, président des Scouts musulmans d'Algérie. Employé aux bureaux de l'Amirauté, le jeune Bouras avait contacté les officiers allemands de la commissions d'armistice d'Alger et il leur remit imprudemment différents documents secrets auxquels, du fait de son poste, il avait accès. Découvert par la police française, arrêté et poursuivi pour espionnage, il fut condamné à mort et fusillé.
Stefano Fabei
Histoire :: France
Si l’on excepte la Tunisie jusqu’en mai 1943, la seule communauté arabe avec laquelle le Reich fut en contact immédiat fut celle de France. Les relations entre les Allemands et les nombreux maghrébins résidant dans l’hexagone furent sereins, depuis les premiers moments de l'occupation, et cela permirent le développement d’une collaboration dans le champ politique et militaire.
A partir de 1941, les Allemands publièrent une revue illustrée en Français et en Arabe, al-Dunya-al-Jadida, par l’intermédiaire de laquelle ils diffusèrent leur programme politique. Une autre revue, Lisan al-'Asr, s'adressa à la dizaine de milliers de soldats maghrébins internés dans les camps de prisonniers en tant que membres de l'armée coloniale française. En plus de cela, à Paris, le bureau chargé de la propagande arabe, le Werbestelle für Araber, s'occupa de la publication de plusieurs opuscules de propagande.
Un certain nombre d'arabes étaient affilié aux partis fascistes français et étaient disposés à collaborer à la cause de l'Axe et de l'Allemagne, dirigée par ce « Hadj Guillaume » qui apparaissait à beaucoup d’autres maghrébins comme le garant de la future liberté arabe hors du joug colonial français.
Il convient donc ici de traiter tout particulièrement des hommes appartenant au Parti populaire algérien, le mouvement qui joua le rôle le plus significatif dans l'histoire de l'indépendance de l'Algérie jusqu’au soulèvement de la Toussaint 1954.
Ce Parti, à la veille de la seconde guerre mondiale représentait l'aile la plus déterminée du mouvement nationaliste algérien. C’était une organisation politique minoritaire mais très dynamique, qui selon la police française comptait entre deux mille cinq cents et quatre mille militants en Algérie et environ un millier en métropole. Il était dirigé par trois chefs : Messali Hadj, Amar Imache et Belqasem Radjeff. Le premier fut une figure de pointe du mouvement arabe de libération. Né à Tlemcen en 1898, il adhéra au Parti communiste français en 1925. En 1927, il participa au Congrès anti-impérialiste de Bruxelles, à côté de deux leaders du Tiers Monde destinés à devenir célèbres : le non violent Jawaharlal Nehru et Nguyen Ai Quoc, alias Ho Chi Minh, un communiste comme lui. L'année précédente, il avait créé l'Etoile nord-africaine, le noyau originaire de ce qui deviendra le Parti du peuple algérien. En 1929, il commença à prendre ses distances avec le PCF, à son avis trop peu respectueux du nationalisme algérien. En 1935 poursuivi par la justice française, Messali s'exila à Genève où, devant les commissions compétentes de la SDN, il voulut témoigner en faveur de l'Ethiopie attaquée par l'Italie. Il fit là la connaissance de l'émir Shekib Arslan dont il devint l’ami.
Le second chef du PPA, Amar Imache, déjà secrétaire général de l'Etoile nord-africaine, avant sa dissolution par les autorités françaises, était le contraire de Messali Hadj. C’était un « faucon », violemment anti-français et anti-juif. Durant l'exil genevois de Messali, il assura la direction du mouvement en 1935 et 1936.
Belkacem Radieff, appartenait, lui, à une famille de marabouts de Fort National et il avait milité dans l'extrême gauche française. Le 5 janvier 1937, il participa à Paris à un meeting de l’Etoile nord-africaine – prélude à la constitution l'année après d'un Comité nord africain de solidarité et d'aide aux victimes arabes de Palestine – dans lequel on cria « Vive Amin al-Husayni ! La Palestine aux Palestiniens ! ». Trois semaines après le gouvernement de Léon Blum, préoccupé par la croissance du mouvement de libération algérien, procéda à la liquidation de l’ENA, suscitant chez les militants nationalistes une profonde rancœur qui rapidement se transforma en haine pour cette gauche et ce Front populaire qui après avoir donné tant d'espérances aux peuples colonisés, les trahissait maintenant. Profitant de cette situation, Amar Imache prit le commandement de la frange la plus dure et la plus intransigeante, contestant l’orientation de Messali, qui tentait, de son côté, d'éviter une dérive extrémiste du mouvement. Messali savait bien que le violent « anti-judaïsme » d’Imache était partagé par les cadres et par la base du Parti. Quelque temps après, quand le conflit éclata. Messali reçu en prison la visite du pro-nazi Mohammed al-Maâdi, il refusa d’avoir aucun contact avec l'Axe et de collaborer avec l'Allemagne. Entre temps cependant, d'autres s’étaient précipités pour serrer la main que les Allemands leur tendaient. Un Comité de défense du Maghreb arabe, un Comité des réfugiés politiques de l'Afrique du Nord et un Comité pour la défense de la Tunisie s'étaient ainsi installés à Berlin.
Quelques dirigeants du PPA, qui pressentaient le déclenchement de la guerre, s'étaient par ailleurs occupés, au tout début de 1939, de la création du Comité d'action révolutionnaire nord-africain. En faisait partie : Rashid Amara, 'Abd al-Rahman Yasin, Sherif Bellamin, Mohammed Talebi, 'Omar Hamza, Mahmud 'Abdun, Mohammed Henni, Musa Belkerua, Hadj Shershalli. Désappointés par la gauche française et par le Front populaire, ces cadres de premier plan du nationalisme algérien étaient décidés à commencer dès que possible la lutte contre les forces coloniales présentes en Algérie. Pour se procurer les armes nécessaires ils pensèrent à se tourner vers l'Allemagne. Au printemps 1939, un vieux militant du PPA, 'Abd al-Rahman Yasin, qui en France avait connu, apprécié et fréquenté des agents secrets allemands, favorisa leur rencontre avec les hommes du CARNA. Le 20 juillet 1939, Amara, Talebi, Hamza, Ahmed Flitta et Lakdar, accompagnés par 'Abd al-Rahman Yasin, partirent pour Berlin. Il y furent chaleureusement accueillis et hébergés dans un château. Pendant deux semaines des spécialistes entraînèrent leurs hôtes algériens aux techniques de la guérilla, à la manœuvre des explosifs et au sabotage des installations industrielles. Mais les arabes espéraient aussi des fournitures d'arme, ce qui ne se produisit pas. Les Allemands promirent qu'au moment opportun, il les enverraient, avec des spécialistes en matériel, ajoutant que la guerre avec la France approchait. Peu avant le déclenchement du conflit, les Algériens rentrèrent dans leur patrie avec la promesse que les contacts ne s'interrompraient pas. Avant le départ, il leur fut communiqué qu'ils seraient contactés à Alger dix jours après la déclaration officielle de l'état de guerre entre la France et l'Allemagne.
Informé des contacts des représentants du CARNA avec les allemands, Messali Hadj fit part de sa totale désapprobation et exigea que ceux qui avaient été en Allemagne démissionnent du Parti. Mohammed Taleb, Messaoud Boukadoum, Mohammed Henri (alias Dakki), Musa Belkerrua et d'autres cadres du PPA furent exclu du Comité directeur du PPA. Messali Hadj à peine sorti de prison, chercha à reprendre le contrôle d’un Parti qui tendait à s'éloigner de sa ligne et dans ce but proposa le poste de secrétaire général à Mohammed Abdoun, qui, à la grande surprise de son chef, refusa en déclarant qu’il était d'accord avec les thèses soutenu par le CARNA, et qu'il estimait qu’il fallait chercher le soutien allemand dans la lutte contre la France.
L'effondrement de cette dernière, en juin 1940, sembla confirmer le bien-fondé de l'action entreprise par les dirigeants du CARNA. Celui-ci subit alors un coup dur avec la perte d'un de ses cadres, Mohammed Bouras, président des Scouts musulmans d'Algérie. Employé aux bureaux de l'Amirauté, le jeune Bouras avait contacté les officiers allemands de la commissions d'armistice d'Alger et il leur remit imprudemment différents documents secrets auxquels, du fait de son poste, il avait accès. Découvert par la police française, arrêté et poursuivi pour espionnage, il fut condamné à mort et fusillé.
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