P R O L O G U E
Depuis trois millénaires, les costumes des femmes algériennes révèlent en filigrane l’évolution d’une société soumise aux aléas de l’histoire du monde méditerranéen. Leur genèse remonte à une époque lointaine puisque les pelleteries de l’ère préhistorique s’enveloppent autour du corps et s’agrémentent déjà de parures chargées de fonctions ornementales et symboliques. Le costume primitif, commun à toutes les régions du pays, exhibe des amulettes protectrices formées de matières disparates, telles que les De beaux coquillages, les fragments d’œufs d’autruche, les cauris, les galets, les dents d’animaux ou l’ivoire. Dans la culture ibéromaurusienne, comme dans la culture capsienne, les vêtements en peau semblent bénéficier de moins d’attention que ces objets magiques, chargés de pendeloques brutes, qui prennent la forme de véritables colliers, bracelets, anneaux de chevilles, ceintures et boucles d’oreilles. Vers le IVe millénaire, les bijoux s’accordent à des pièces ornementales accrochées à même les pelleteries teintées. Ces dernières, portées en guise de pagnes ou de tuniques rudimentaires, sont souvent incrustées de cauris, d’éclats d’œufs d’autruche et d’ornements hétérogènes. Des coiffures ordonnées, parfois rehaussées de plumes d’autruche, complètent le costume de l’époque néolithique. Avant la fin du IIe millénaire, l’introduction des métaux élargit la gamme des bijoux féminins, en particulier les bracelets et les anneaux d’oreilles et de chevilles. Des fibules en bronze ou en fer, portées par paires, attestent de l’apparition des premières formes de péplums qui emploient des tissages de laine archaïques. Cependant, le IXe siècle avant J.-C. inaugure une nouvelle phase historique, car l’arrivée des Phéniciens et l’établissement de villes portuaires sur le littoral annoncent la division inéluctable du paysage vestimentaire. L’essor des royaumes numides et l’affirmation d’une culture ouverte aux apports carthaginois, libyens, égyptiens, proche-orientaux et helléniques conduisent à la naissance d’un système vestimentaire de nature citadine qui s’éloigne peu à peu de la tradition rurale, encore rattachée aux modèles préhistoriques. Cette rupture se creuse davantage au fur et à mesure que les villes grandissent et s’impliquent activement dans la vie culturelle et économique de la Méditerranée. Quelques siècles plus tard, deux archétypes de costumes coexistent : d’une part, le costume rural, drapé, tissé sur des métiers domestiques et accompagné de bijoux en argent, d’autre part, le costume citadin qui comporte des bijoux en or et des vêtements cousus, taillés dans des textiles diversifiés.
La bipartition du paysage vestimentaire algérien perdure à travers les âges, mais elle n’empêche pas le maintien de liens consistants entre les costumes des centres urbains et des zones agricoles. Les frontières entre les deux archétypes restent perméables et mouvantes; leur origine commune se devine à travers les éléments issus du patrimoine vestimentaire berbère qui persistent dans les costumes de la capitale et des villes principales. De plus, les migrations, les exodes et les échanges commerciaux exposent continuellement les costumes ruraux à l’influence assimilatrice des modes citadines. La séparation des deux systèmes vestimentaires s’avère ainsi un peu réductrice. Elle permet toutefois d’établir des repères spatiaux et temporels qui aident à construire l’histoire du costume algérien.
Dans le présent ouvrage, deux zones géographiques en forme de triangles qui se rejoignent à Alger ont été imaginées pour rassembler les costumes citadins de la frange septentrionale du pays : le premier est délimité à l’Est par Constantine et Annaba, tandis que Tlemcen et Oran forment les pointes occidentales du second. Appelés « Triangles d’or », ils regroupent des vêtements traditionnels de type citadin brodés, au fil d’or et parés de somptueux bijoux en or. Alger se situe à la jonction de ces deux triangles car, à partir de l’époque ottomane, son costume joue un rôle primordial dans la diffusion de nouvelles tendances vestimentaires dans les villes de l’ouest et de l’est de l’Algérie. Enfin, un troisième triangle virtuel, beaucoup plus grand que les précédents, réunit les costumes des régions montagneuses, des Hauts Plateaux et du Sahara. Il lie les monts de Kabylie aux massifs de l’Aurès, puis du Hoggar, et englobe les montagnes des Ouled-Naïl et du Djebel Amour, ainsi que le Mzab. Ce vaste « Triangle d’argent » contient un riche éventail de costumes ruraux de type berbère, essentiellement formés de drapés à fibules et d’opulentes parures en argent.
EL-DJEZAÏR
Depuis trois millénaires, les costumes des femmes algériennes révèlent en filigrane l’évolution d’une société soumise aux aléas de l’histoire du monde méditerranéen. Leur genèse remonte à une époque lointaine puisque les pelleteries de l’ère préhistorique s’enveloppent autour du corps et s’agrémentent déjà de parures chargées de fonctions ornementales et symboliques. Le costume primitif, commun à toutes les régions du pays, exhibe des amulettes protectrices formées de matières disparates, telles que les De beaux coquillages, les fragments d’œufs d’autruche, les cauris, les galets, les dents d’animaux ou l’ivoire. Dans la culture ibéromaurusienne, comme dans la culture capsienne, les vêtements en peau semblent bénéficier de moins d’attention que ces objets magiques, chargés de pendeloques brutes, qui prennent la forme de véritables colliers, bracelets, anneaux de chevilles, ceintures et boucles d’oreilles. Vers le IVe millénaire, les bijoux s’accordent à des pièces ornementales accrochées à même les pelleteries teintées. Ces dernières, portées en guise de pagnes ou de tuniques rudimentaires, sont souvent incrustées de cauris, d’éclats d’œufs d’autruche et d’ornements hétérogènes. Des coiffures ordonnées, parfois rehaussées de plumes d’autruche, complètent le costume de l’époque néolithique. Avant la fin du IIe millénaire, l’introduction des métaux élargit la gamme des bijoux féminins, en particulier les bracelets et les anneaux d’oreilles et de chevilles. Des fibules en bronze ou en fer, portées par paires, attestent de l’apparition des premières formes de péplums qui emploient des tissages de laine archaïques. Cependant, le IXe siècle avant J.-C. inaugure une nouvelle phase historique, car l’arrivée des Phéniciens et l’établissement de villes portuaires sur le littoral annoncent la division inéluctable du paysage vestimentaire. L’essor des royaumes numides et l’affirmation d’une culture ouverte aux apports carthaginois, libyens, égyptiens, proche-orientaux et helléniques conduisent à la naissance d’un système vestimentaire de nature citadine qui s’éloigne peu à peu de la tradition rurale, encore rattachée aux modèles préhistoriques. Cette rupture se creuse davantage au fur et à mesure que les villes grandissent et s’impliquent activement dans la vie culturelle et économique de la Méditerranée. Quelques siècles plus tard, deux archétypes de costumes coexistent : d’une part, le costume rural, drapé, tissé sur des métiers domestiques et accompagné de bijoux en argent, d’autre part, le costume citadin qui comporte des bijoux en or et des vêtements cousus, taillés dans des textiles diversifiés.
La bipartition du paysage vestimentaire algérien perdure à travers les âges, mais elle n’empêche pas le maintien de liens consistants entre les costumes des centres urbains et des zones agricoles. Les frontières entre les deux archétypes restent perméables et mouvantes; leur origine commune se devine à travers les éléments issus du patrimoine vestimentaire berbère qui persistent dans les costumes de la capitale et des villes principales. De plus, les migrations, les exodes et les échanges commerciaux exposent continuellement les costumes ruraux à l’influence assimilatrice des modes citadines. La séparation des deux systèmes vestimentaires s’avère ainsi un peu réductrice. Elle permet toutefois d’établir des repères spatiaux et temporels qui aident à construire l’histoire du costume algérien.
Dans le présent ouvrage, deux zones géographiques en forme de triangles qui se rejoignent à Alger ont été imaginées pour rassembler les costumes citadins de la frange septentrionale du pays : le premier est délimité à l’Est par Constantine et Annaba, tandis que Tlemcen et Oran forment les pointes occidentales du second. Appelés « Triangles d’or », ils regroupent des vêtements traditionnels de type citadin brodés, au fil d’or et parés de somptueux bijoux en or. Alger se situe à la jonction de ces deux triangles car, à partir de l’époque ottomane, son costume joue un rôle primordial dans la diffusion de nouvelles tendances vestimentaires dans les villes de l’ouest et de l’est de l’Algérie. Enfin, un troisième triangle virtuel, beaucoup plus grand que les précédents, réunit les costumes des régions montagneuses, des Hauts Plateaux et du Sahara. Il lie les monts de Kabylie aux massifs de l’Aurès, puis du Hoggar, et englobe les montagnes des Ouled-Naïl et du Djebel Amour, ainsi que le Mzab. Ce vaste « Triangle d’argent » contient un riche éventail de costumes ruraux de type berbère, essentiellement formés de drapés à fibules et d’opulentes parures en argent.
EL-DJEZAÏR
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